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du comité de police, on comptait 600 voleurs, dont le pillage de docks faisait la spécialité, et qui avaient pour aides-manœuvres 1,200 enfans.

Un autre trait distinctif de Liverpool est la construction de ces cours fermées qui doublent en quelque sorte les rues. Elles se composent de deux rangs de maisons à trois étages d’élévation, qui se font face et qui sont adossées à d’autres maisons. Un espace, qui varie de six à quinze pieds, sépare les deux côtés, et la cour ne communique avec la rue que par un étroit corridor sous lequel on entre en se baissant comme par la porte d’une prison. L’air empesté que l’on respire au fond de ces abîmes ne se renouvelle jamais. Pour achever d’épaissir les émanations fétides qui s’en exhalent, les habitans ont coutume d’entasser dans un coin de la cour les débris de leur ménage, et lorsque ceux-ci sont des Irlandais pur sang, comme dans le quartier du Vauxhall, il s’y joint l’odeur des porcs qu’ils engraissent, ou des ânes qu’ils introduisent jusque dans leur chambre à coucher[1]. Il y a près de 2,500 cours à Liverpool ; et chacune renferme en moyenne 6 à 8 maisons ; ainsi, la moitié des maisons de la ville (Liverpool a 32,000 maisons) se trouve dans ces conditions déplorables de salubrité.

Une maison de trois étages, et par conséquent de trois chambres, se loue 5 ou 6 liv. sterl. dans une cour fermée ; une habitation de la même grandeur vaut le double et souvent le triple de ce prix dans une rue. Tout ce qu’il y a d’ouvriers et d’employés à Liverpool habite donc les caves ou les cours, et souvent, par un raffinement d’économie et de patience, des caves dans les cours. Une clause des règlemens municipaux interdit aux propriétaires de maisons de consacrer l’appartement souterrain à l’habitation des hommes ; mais, par la cupidité des uns et par l’insouciance des autres, ce règlement est resté sans application. C’est dans les caves que se tiennent la plupart des écoles où l’on reçoit les petits enfans. Les caves servent d’hôtels garnis aux Irlandais de passage, aux musiciens ambulans, aux mendians et aux vagabonds. Ceux qui ont le moyen de payer 3 pence (6 sols) par nuit sont admis à prendre place dans un des cinq ou six lits que renferme l’unique chambre de chaque étage, un

  1. « Dans une maison située dans une cour de Thomas-Street, un malade était dans un coin de la chambre, couché sur un tas de paille ; dans l’autre coin, un âne était commodément établi. Sous la fenêtre, on apercevait le tas de fumier que l’âne aidait à ramasser dans la rue. » (Rapport de M. Duncan, Sanitary condition of working classes.)