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REVUE DES DEUX MONDES.

ministre de l’intérieur ou par le préfet, ne dirige la police communale que par une délégation du pouvoir exécutif et sous le contrôle immédiat du préfet ; et comment une police qui ne relève pas des habitans se croirait-elle tenue de les ménager ou de prendre leurs intérêts ? Dans la Grande-Bretagne, au contraire, les maires, étant les élus de la cité, en ont le gouvernement sans réserve ; l’autorité centrale n’intervient qu’au défaut de l’autorité municipale, et pour ajouter aux forces des localités la puissance de l’état.

Dans l’exercice de la surveillance, la police française emploie des agens secrets et des agens publics ; ceux-ci sont les seuls dont la police anglaise admette le concours. « La police de sûreté, dit M. Vivien[1], comprend des agens publics et des agens secrets ; les premiers surveillent les voleurs sans se joindre à eux ; les seconds s’en approchent davantage, et, sans jamais, en aucune façon, de loin ni de près, tremper dans leurs méfaits, ils les rencontrent, les connaissent personnellement, et peuvent avec exactitude révéler les noms, les caractères de ces misérables, sauvages égarés au milieu de la civilisation… » Et ailleurs : « La préfecture de police a cessé depuis long-temps d’employer des repris de justice dans les brigades de sûreté. Toutefois, il est impossible de renoncer entièrement aux services de cette classe d’hommes, et des agens mêlés à la vie et aux habitudes des malfaiteurs ne peuvent se recommander par la pureté du caractère et la dignité des mœurs. »

Certes, si l’on tient à conserver la tradition d’une police secrète, M. Vivien a raison, on doit se résigner à l’emploi des hommes qui ne se recommandent ni par la pureté du caractère, ni par la dignité des mœurs. Il faut avoir trempé dans le crime pour faire métier de la délation et de la trahison ; ces basses œuvres de la police ne conviennent qu’à des mains déjà souillées. Mais une police secrète est-elle nécessaire au maintien de l’ordre public ? Pour ma part, je ne le pense pas. Je crois même que, si le nom seul de la police est devenu un opprobre en France, cela tient à la nature mystérieuse des moyens et au caractère peu moral des agens qu’elle a employés, tandis que, si la police est universellement respectée en Angleterre, on peut sans hésitation attribuer sa popularité à la franchise et à la dignité de ses procédés. Tous les hommes qui ont de l’expérience en cette matière, M. Miller à Glasgow, M. Whitty à Liverpool, M. Beswick à Manchester, sont les adversaires les plus déterminés de la

  1. Revue des Deux Mondes, article déjà cité.