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SITUATION INTELLECTUELLE DE L’ALLEMANGNE.

Je remarque que l’étude de la nature, empreinte d’un certain caractère de douceur et de mysticité, a fleuri plusieurs fois en Autriche, et ceci m’explique encore les sympathies involontaires que ressentent pour ce pays bien des hommes de l’Allemagne méridionale. C’est aussi un trait particulier aux habitans de la Souabe, de la Franconie, de la Thuringe, que ce doux enchantement qui assoupit leur ame au milieu des études de la nature, et les berce de mille songes. N’est-ce pas à Vienne qu’est enterré le grand chimiste Paracelse ? Et un siècle après ce maître de la science occulte, son illustre disciple, Van Helmont, n’est-il pas venu y mourir ? Enfin, le vénérable M. Littrow n’avait-il pas pour ancêtres à l’université de Vienne deux des plus beaux noms de l’Allemagne, ce George Peurbach, qui, au XVe siècle, restaura l’astronomie à l’aide d’une mauvaise traduction de Ptolémée et des auteurs arabes, et son digne élève, Jean Muller, qui alla chercher en Italie toutes les œuvres des astronomes d’Alexandrie, les copia, les imprima, les répandit en Allemagne, y ajouta des commentaires, des résultats nouveaux, et fut le fondateur, le héros de la littérature scientifique dans son pays ?

La poésie n’a jamais brillé en Autriche ; elle n’y a eu qu’une seule époque, le règne de Joseph II. C’est tout dire. Tandis que Frédéric courtisait Voltaire, tandis que la poésie française, du XVIIIe siècle, si élégante, si moqueuse, si impie, si contraire enfin à l’esprit allemand, était accueillie et fêtée par ce roi philosophe, Joseph II voulut rendre à l’Allemagne sa poésie nationale. Mais Alxinger, Denis, Ayrenhoff, Haschka, Blumauer lui-même, tous ces honnêtes écrivains, si justement oubliés, étaient, malgré leurs patriotiques intentions, les esprits les plus médiocres, et il ne leur appartenait pas de donner à l’Allemagne le sentiment de son originalité. Heureusement, en face de Frédéric lui-même, et malgré ses dédains, Lessing et Klopstok allaient consacrer le berceau de la muse germanique. Ce fut bien pis quand Joseph II mourut et sa politique avec lui. La Prusse s’étant emparée du réveil de l’esprit allemand, l’Autriche s’isola de plus en plus du mouvement de la littérature ; les successeurs de Joseph II avaient eu peur de sa pensée. Au moment où Goethe, où Schiller, où tout le chœur des poètes enchante l’Allemagne et lui rend la conscience de ses forces, je cherche vainement du côté du Danube un écho qui leur réponde, une voix qui atteste que l’Autriche prend part à ce concert unanime des peuples allemands. Je n’entends rien, car elle ne se mêle pas à des voix si puissantes, cette hymne étouffée qui sort du cloître, l’hymne de ce