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SITUATION INTELLECTUELLE DE L’ALLEMANGNE.

étrangères réunies à son empire, et ce sont ces populations, ce sont les Slaves qui vont l’attirer vers eux-mêmes ! Ils l’espèrent du moins, et le disent assez haut. Espérances chimériques ! Pensera-t-on. Je le veux bien ; mais qu’on sache cependant que l’Allemagne commence à s’en effrayer, et que plus d’un avertissement a déjà été adressé à l’Autriche. Tout récemment encore un publiciste allemand, l’auteur anonyme de deux écrits remarquables sur l’Autriche et sur l’Allemagne, a exprimé avec éclat ces reproches de l’opinion publique. Dans le premier de ces écrits, intitulé l’Autriche et son avenir[1], l’auteur déclare, dès les premières pages, que c’est l’incurie de l’état et son dédain des choses intellectuelles qui a laissé l’Autriche s’éloigner tous les jours du mouvement de l’Allemagne. Mais le mal est trop grave, dit-il, le danger est trop pressant pour que les plus endormis ne se réveillent pas. Il ne faut plus parler de l’apathie de l’Autriche, de l’indifférence de l’esprit public ; en présence de semblables résultats, comment resterait-on indifférent, à moins que de cesser d’être ? Ce bonheur du peuple autrichien qu’on vantait si haut, cette idylle qu’on chantait sur notre félicité sans mélange, tout cela va finir. La décomposition de l’esprit public a été menée aussi loin qu’il était possible, — c’est toujours l’auteur qui parle, et certes on n’était guère habitué, en Autriche, à cette liberté de langage ; — peut-être, ajoute-t-il, est-il temps encore d’y remédier ; si l’on néglige l’occasion, bientôt il n’y aura plus d’Autriche, mais quatre nations ennemies qui s’y combattront. Je n’ai pas à suivre l’auteur dans les conseils politiques qu’il donne à son pays, lorsqu’il passe en revue toutes les classes de l’état, la noblesse, l’administration, la bourgeoisie, et qu’il propose avec une intention droite et sincère les moyens qui lui paraissent convenables pour relever le pays ; mais les avertissemens qu’il fait entendre, chaque fois qu’il est question des provinces slaves, confirment tout ce que j’ai dit plus haut sur la situation étrange de l’Autriche à leur égard. Quand l’auteur examine avec inquiétude ce que tous les états de l’Europe ont fait depuis trente ans pour mettre la paix à profit, et accroître, avec leurs forces intellectuelles, leur autorité politique, quand il calcule tout ce que la Prusse a gagné depuis ce temps, et qu’il ajoute que, dans ce mouvement universel, rester en place c’est reculer, il rend raison de tout ce qui se passe en ce moment chez les Slaves. Pourquoi, en effet, ne veulent-ils plus

  1. Cet écrit vient d’être traduit en français. in-8o, librairie d’Amyot, rue de la Paix, 6.