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REVUE. — CHRONIQUE.

ailleurs un impôt de cette nature sera qualifié de banqueroute partielle, et peut exposer le marché aux plus fâcheuses perturbations et l’état à des pertes considérables. Qui peut calculer les effets du discrédit, si, pour une cause quelconque un nouvel emprunt était nécessaire ? D’ailleurs, serait-il bien juste de contraindre des étrangers qui ne doivent rien aux Pays-Bas, qui n’ont en Néerlande ni propriétés ni domicile, de les contraindre, dis-je, à payer un impôt au gouvernement hollandais, par cela seul qu’ils sont ses créanciers, qu’ils lui ont prêté leur argent sous la promesse d’un paiement intégral ? Le projet présenté par le ministre chargé provisoirement du portefeuille des finances ne rencontrera pas les mêmes objections. Il propose une taxe sur le revenu. Cela frappera sans doute même les rentes, mais les rentes de ceux qui doivent des impôts au pays. L’impôt sur le revenu est en soi le plus juste et le plus naturel. Ce que chacun doit à l’état, pour les frais communs et les dépenses publiques, est une fraction proportionnelle de son revenu, quelle que soit d’ailleurs la source de ce revenu ; la seule exemption admissible serait celle des revenus strictement nécessaires à l’existence du contribuable. Si on ne perçoit pas toujours l’impôt directement sur tous les revenus, c’est que rien n’est plus difficile que de connaître au juste le revenu de chaque personne imposée, et d’éviter les estimations arbitraires ou les fraudes. L’assiette de l’impôt sur le revenu, pour être tant soit peu équitable, exige des investigations, des précautions qui, dans la plupart des pays, seraient difficilement supportées, tant elles paraissent injurieuses et vexatoires. Toujours est-il que dans quelques pays on se résigne à cette nature d’impôt. La législature des Pays-Bas n’a pas encore déterminé le mode de perception : le principe seul paraît devoir être admis d’abord. Si un mode raisonnable est ensuite adopté, les Hollandais auront, en définitive, choisi le moyen le plus simple et le plus direct de rétablir l’équilibre dans leur budget.

Pour ramener le public aux questions politiques et l’arracher à ses préoccupations industrielles, on a essayé ces jours derniers d’une déclaration collective contre l’armement des fortifications de Paris. Le moyen était singulièrement choisi ! Les fortifications ne sont pas achevées ; aucun crédit n’a été demandé et ne le sera, dans cette session du moins, pour cet armement, et on voudrait que le pays, dès aujourd’hui, se préoccupât de cette question, s’alarmât de cette dépense et jetât les hauts cris contre une loi qui n’existe pas encore, même comme projet ! Il est arrivé ce qu’il était facile de prévoir. Le pays n’a pas prêté la moindre attention à des déclamations qui étaient pour le moins fort intempestives. Il est sans doute naturel que tous ceux qui, par un motif quelconque, ne voulaient pas des fortifications de Paris, cherchent aujourd’hui encore tous les moyens de rendre ces grands travaux parfaitement inutiles ; ils en voteraient la destruction avec les deux mains. Pour ceux au contraire qui, comme nous, attachent un grand prix à l’enceinte fortifiée de la capitale, la question de l’armement, question qu’il faudra sans doute vider en son temps, sera la plus simple des questions, car rien ne serait plus stupide que d’avoir dépensé cent quarante millions uni-