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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/194

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REVUE DES DEUX MONDES.

L’enseignement moral et religieux appartient donc nécessairement au sacerdoce. Ce n’est pas tout : l’intervention du sacerdoce est encore nécessaire dans l’enseignement des lettres et de la philosophie, car il faut le préserver par la morale de tous les vices qui peuvent le rendre inutile et funeste. Or la morale ne peut être enseignée que par le sacerdoce, qui se trouve ainsi nécessairement investi de la mission de répandre l’instruction littéraire et philosophique. — Tâchons d’être aussi net dans notre réponse que M. l’archevêque l’a été dans ses affirmations. Il n’est pas vrai que la morale soit indissolublement unie au dogme catholique : la morale est une science qui relève des lois de l’esprit et de la conscience. La morale ne saurait donc être confondue avec la religion révélée, et c’est le travail de la raison de l’homme et des sociétés depuis trois siècles d’opérer cette scission, que la révolution française a définitivement établie dans nos mœurs et dans nos institutions. On aperçoit toutes les conséquences de ce grand fait. Puisque la morale n’est pas unie indissolublement au dogme catholique et s’en distingue, le gouvernement civil n’est plus frappé d’incapacité pour poser les bases de l’éducation ; il n’est plus réduit au rôle de maintenir l’ordre matériel dans la société, et d’y faire, pour ainsi parler, la patrouille : lui aussi a sa mission morale, son sacerdoce intellectuel.

Les principes posés par M. l’archevêque mènent droit à un régime théocratique. Nous savons bien que ces conséquences extrêmes paraissent impraticables, même à l’auteur des Observations ; aussi se borne-t-il à conclure que les institutions laïques ont besoin de l’enseignement moral et religieux donné par le clergé, et que le clergé n’a pas besoin de l’enseignement littéraire et philosophique donné par des professeurs. Il ajoute : « Nous ne réclamons point un droit exclusif, parce qu’un droit de cette nature entraînerait avec lui des devoirs auxquels nous ne pourrions suffire. » À ce compte, l’église n’abandonne à l’état que ce qu’il lui est impossible de faire elle-même. Elle lui laisse les écoles spéciales, les arts et métiers, le conservatoire de musique ; mais pour l’éducation morale, elle prétend au partage dans les institutions laïques, et elle veut être maîtresse absolue dans les institutions ecclésiastiques. Voilà son ultimatum.

Et l’Université ? — L’Université, répond M. l’archevêque, est une administration à laquelle sont soumis à divers titres les colléges, les pensions et les institutions du royaume… L’Université ne peut représenter l’état que pour des objets fort accessoires, et non pour ce