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L’ÉGLISE ET LA PHILOSOPHIE.

d’hui. La liberté d’enseignement est réclamée par le clergé parce qu’il veut étendre son empire ; ce ne sont pas des industriels, des savans qui la réclament, mais des prêtres.

Cependant ce n’est pas en tant que prêtres qu’ils doivent l’obtenir, c’est seulement en qualité de citoyens. Le fameux texte, ite, et docete omnes gentes, ne sera pas une autorité pour le gouvernement et les chambres. Ce n’est pas ici une subtilité vaine. Si c’est à des citoyens et non pas à ses prêtres que la charte a promis la liberté de l’enseignement, l’état ne doit à tous que le droit commun, et de priviléges à personne. Nous ne voulons pas ici entrer dans des applications de détails qui seraient prématurées : nous maintenons seulement que la loi qui s’élabore ne saurait être pour le clergé privata lex, mais qu’elle doit être pour tous une déduction de la charte et de nos institutions organiques.

Voilà pour le droit. En fait, que doit penser le gouvernement de l’attitude du clergé ? Les mêmes passions qui, sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X, travaillaient l’église l’agitent toujours ; elles ont d’autres interprètes, mais elles n’ont rien perdu de leur ardeur. Il y a vingt ans, en 1823, les tribunaux condamnaient le Drapeau Blanc pour l’insertion d’un article où l’Université était qualifiée de séminaire de l’athéisme et de vestibule de l’enfer. Cet article avait la forme d’une lettre adressée à M. l’évêque d’Hermopolis, grand-maître de l’Université, et elle était signée par M. l’abbé de Lamennais. En 1829, quand M. de Polignac eut quitté l’Angleterre pour prendre la présidence du conseil, un journal de Londres, the Courier, parlant avec éloge du ministère du 9 août disait : « On pense généralement qu’il débutera par quelque mesure qui assurera les libertés et les droits de la nation ; le monopole de l’Université disparaîtra ; l’établissement des écoles ou pensions sera essentiellement libre. » Quand le gouvernement de 1830 retrouve dans certaines régions de la presse les fureurs du Drapeau Blanc, et dans les pétitions du clergé la politique de M. de Polignac, la défiance peut lui être permise. Nous ne disons pas que cette défiance doive aller jusqu’au refus du droit qu’on réclame avec une vivacité suspecte mais les gens sages et de bonne foi ne nous désavoueront point, quand nous demanderons que l’exercice du droit ne soit pas séparé d’une surveillance et de garanties nécessaires non moins à la société qu’à l’état.

Nous avons fait la part de la liberté promise par la charte et des circonstances ; il ne nous reste plus qu’à vider la question de prin-