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L’ÉGLISE ET LA PHILOSOPHIE.

société civile pour qu’elle n’ait pas le droit de s’immiscer dans le règlement de son administration et de sa discipline. Qu’on juge alors si l’état n’a pas un droit d’immixtion et de surveillance, quand l’église sort du sanctuaire pour disputer au pouvoir temporel l’éducation de la jeunesse !

Les rapports entre les deux puissances, entre l’état et l’église, sont nettement déterminés, et nous pouvons insister sur toute l’étendue de la mission du pouvoir temporel. Les champions du clergé ne se lassent pas de reprocher au gouvernement de 1830 qu’il se préoccupe exclusivement des intérêts matériels. Ils l’accusent de corrompre les générations nouvelles en les abandonnant à de mauvais instincts, à l’amour du lucre et des jouissances. À les entendre, la religion seule est capable de purifier ces ames en péril et de les sauver. Nous savons tout ce qu’il y a dans ces reproches de calomnieuses exagérations ; ceux qui les font, ou plutôt qui les vomissent, noyés dans un torrent d’invectives, ont juré une haine implacable à notre gouvernement et à l’esprit philosophique de notre siècle. Toutefois ces déclamations doivent servir d’avertissement. Le pouvoir temporel doit, il en est temps, reprendre avec énergie la direction des intérêts moraux dans tous les ordres d’idées et dans toutes les classes sociales. Ne nous endormons pas au milieu d’une sécurité molle et trompeuse. Le pouvoir temporel a en face de lui des adversaires, des compétiteurs, qui lui font une guerre sans trêve ni merci. Qu’il ne laisse pas s’accréditer par une dangereuse incurie cette opinion, que le gouvernement représentatif est peu susceptible de grandeur morale.

Serait-il vrai ? faudrait-il penser que le principal mérite du gouvernement représentatif est de faciliter les gros impôts, les vastes budgets, et que dans la sphère morale il est impuissant et stérile ? S’il en était ainsi, notre civilisation politique aboutirait à un résultat dérisoire. Nous ne nous serions tant agités que pour descendre ! Le spectacle de notre affaissement moral serait plus affligeant encore qu’il ne l’est déjà, que nous refuserions de souscrire à une conclusion pareille. La liberté, la liberté modérée, doit être au moins aussi puissante pour le bien que le despotisme. Est-ce avoir pour elle trop d’ambition ? Dans le siècle dernier, au moment où les jésuites étaient proscrits sur tous les points du globe, quand ils étaient chassés de France, d’Espagne, du royaume de Naples, de l’Amérique espagnole, et même du Paraguay, Frédéric-le-Grand permettait qu’ils restassent en Silésie, et il disait : Je ne fais pas de mal aux jésuites,