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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/253

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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

Et admissus circum prœcordia ludit.

Ce serait notre grand honneur que de pouvoir quelquefois réussir à ce jeu, qui d’ailleurs, dans le cas présent, ne peut nous mener qu’à trahir des délicatesses de l’esprit et des traits ingénieux de caractère.

Chez la plupart de ceux qui se livrent à la critique et qui même s’y font un nom, il y a, ou du moins il y a eu une arrière-pensée première, un dessein d’un autre ordre et d’une autre portée. La critique est pour eux un prélude ou une fin, une manière d’essai ou un pis aller. Jeune, on rêve la gloire littéraire sous une forme plus brillante, plus idéale, plus poétique ; on tente l’arène lyrique ou la scène, on se propose tout bas ce qui donne le triomphe au Capitole et le vrai laurier. Ou bien c’est le roman qui nous séduit et nous appelle ; on veut se loger dans les plus tendres cœurs et être lu des plus beaux yeux. Mais viennent les mécomptes, les embarras de la carrière, les défaillances du talent, les refus sourds et obstinés. On se lasse, et, si l’on aime véritablement les lettres, si une instruction solide n’a cessé de s’accroître et de se raffiner au milieu et au moyen même des épreuves, on est en mesure alors d’aborder ce que j’appelle, en un sens très général, la critique, c’est-à-dire quelque branche de l’histoire littéraire ou de l’appréciation des œuvres. C’est presque toujours là que j’attends les jeunes arrivans si empressés au début et si superbes. Qu’ils réussissent dans l’art et dans la poésie, s’ils le peuvent : tous nos vœux les accompagnent ; mais il y a sur ce point peu de conseils à donner. Ces palmes-là ravissent et ne se discutent pas. Que s’ils manquent le premier objet de leur ambition, s’ils sont mal venus en ce premier amour, et si d’ailleurs, avec un esprit bien fait, ils chérissent sincèrement l’étude, il y a de la ressource et de la consolation. Le retour, même sans triomphe, peut avoir des charmes ; le salut se retrouve dans le naufrage.

Ce qui est ainsi vrai de plusieurs ne paraît pas l’être pour M. Magnin, et c’est un point par lequel il se distingue de plus d’un de ses confrères en critique. Lui, il est critique, en quelque sorte, d’emblée et essentiellement ; on ne voit pas que ce goût se soit substitué chez lui à une vocation première, à une ardeur autre part déterminée. Sa carrière se dessine d’une ligne toute simple. Né à Paris d’un père franc-comtois, et qui fut d’abord attaché comme secrétaire et bibliothécaire à M. de Paulmy d’Argenson, M. Charles Magnin a été nourri au milieu des livres et comme au sein de cette grande bibliothèque dont son père avait contribué, pour sa part, à extraire et à