Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
REVUE DES DEUX MONDES.

et se compléter ; visons d’abord à la première et à l’architecture de l’ensemble. Mais que ces lents et difficiles travaux, que les arcanes de l’Académie des inscriptions elle-même et les exercices philologiques du Journal des Savans n’éloignent jamais M. Magnin de ce qui a fait son premier plaisir et son plus franc succès, de cette critique instructive et accessible à tous, judicieuse et hardie, qui ne craint pas de se commettre en parlant de ce qui occupe tout le monde et de ce que tout le monde comprend. La publication de ces deux volumes et le soin qu’il y a donné nous sont garans de ce que nous espérons. Ce n’est pas au nom de la gloire et de la renommée qu’il convient de s’adresser aux critiques, à ceux qui, vraiment dignes de ce nom, voient les choses littéraires avec sang-froid, étendue, et par tous les sens. Ils savent trop ce que c’est que renommée, comment elle se fait, combien elle dure ; ils y mettent tous les jours la main, et plus d’un aussi pourrait dire à quelque roi du jour que la chute attend :

J’ai fait des souverains, et n’ai point voulu l’être.

Il y a pourtant à ajouter, et ils le savent, que sans viser à aucune gloire ni même à ce sceptre du genre qui a toujours plus ou moins l’air d’une férule, il est aussi un degré d’estime très sûr qu’on parvient peu à peu à obtenir, et qui se perpétue. Tandis que les poètes et les écrivains qui se croient créateurs passent très vite et meurent tout entiers, s’ils ne sont excellens, le critique accrédité et fidèle vit, c’est-à-dire (oh ! ne nous exagérons rien) on le cite quelquefois, on feuillette au besoin son recueil pour le consulter comme un témoin véridique, on rappelle son jugement sur ces livres, un moment fameux, qu’on ne lit plus et qu’on ne juge en abrégé que par quelques mots tirés de lui. Bayle est un trop grand nom et qu’on pourrait récuser comme exemple ; pour en prendre un qui n’ait rien d’éblouissant, Le Clerc vit plus que tous les Campistrons. Et si le style s’en mêle, si l’agrément a touché ces humbles pages d’autrefois, elles ont aussi pour qui les rouvre après des années un certain parfum. Marmontel n’est compromis aujourd’hui dans sa renommée littéraire que par ses ouvrages de poésie, de théâtre, par ses contes et ses romans ; s’il n’avait laissé que sa critique, il serait un nom des plus respectés. C’est pour avoir visé au sceptre-férule dont nous parlions et pour en avoir trop joué, qu’il en a coûté cher à La Harpe ; mais, quand on a borné son ambition à n’être que des meilleurs, comme