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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/274

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REVUE DES DEUX MONDES.

mero à Séville, Roncali à Valence, Coucha à Cadix, sont parvenus à obtenir l’obéissance et à inspirer le dévouement. Tous ces généraux appartiennent, il est vrai, à l’ancien parti modéré ; mais le ministre de la guerre, Serrano, quoique venu de l’ancien parti exalté, n’a pas peu contribué non plus à maintenir le bon esprit de l’armée par la généreuse résolution dont il a fait preuve, et du sein de ce même parti est sorti un jeune et brillant officier, Prim, qui a montré dès le premier jour toute l’énergie d’un vieux défenseur de l’ordre et des lois.

On pouvait s’attendre à des défections nombreuses, elles ont été rares. Il n’y en a eu qu’une qui ait eu quelque éclat : c’est celle de ce malheureux Ametller, qui n’a pu entraîner avec lui qu’une faible partie de ses troupes. D’autres généraux, comme Lopez Baños à Saragosse, et Araoz à Barcelone, ont montré quelque faiblesse devant l’émeute, mais sans aller jusqu’à la trahison. Partout ailleurs, l’exemple de fermeté que Narvaez donnait à Madrid a été suivi, et le lendemain même d’un changement de gouvernement, quand la société a eu à peine le temps de se rasseoir, c’est là un fait significatif qui mérite d’être remarqué.

En Espagne, comme dans tous les pays libres, l’armée est l’image de la nation ; l’état de l’opinion réagit sur elle. Quand le pays est divisé, l’armée se divise ; quand le pays devient plus homogène, l’armée se rapproche. Cette noble émulation des militaires de tous les partis, pour faire leur devoir, n’est que la reproduction de ce qui se passe plus en grand dans le monde politique. Là aussi les anciens partis se sont rapprochés, les vieux dissentimens ont été mis de côté pour faire place à un patriotisme commun. Combien de temps durera cette harmonie nouvelle entre des ennemis qui paraissaient irréconciliables ? Est-elle destinée à conserver sur l’avenir de l’Espagne une salutaire influence, ou doit-elle cesser avec les circonstances qui l’ont fait naître ? Nous l’ignorons. Ce que nous savons, c’est qu’elle existe aujourd’hui, c’est qu’elle est le produit d’un besoin général, qu’elle a été la cause déterminante de la chute du régent, et qu’elle est encore le fait dominant, le caractère distinctif de la situation.

Les luttes du parti modéré et du parti exalté, en Espagne, sont connues de toute l’Europe. Après avoir trompé successivement les espérances des deux partis, Espartero a fini par les mettre tous les deux contre lui. De là la formation d’un grand parti moyen qui a reçu le nom de parti parlementaire, du nom des idées communes qui ont servi à le constituer. Modérés et exaltés se sont rencontrés