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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/33

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FERNAND.

déplaisait, jusqu’au son de sa voix, à ce point que, moi qui ne suis point d’humeur agressive, j’aurais payé cher le droit de le provoquer. Mlle de Mondeberre semblait le trouver charmant : elle souriait à tout ce qu’il disait, et pour moi n’avait pas un regard. Je ne puis dire ce que j’ai souffert ainsi pendant une heure. M. de B… causait avec sa cousine ; je mêlais à peine quelques mots à la conversation. Je voulais me retirer, mais une main de fer me scellait à ma place. Mme de Mondeberre entra ; elle me demanda pourquoi on ne m’avait pas vu tous ces jours. En cet instant, Alice, qui parlait avec son cousin dans l’embrasure d’une fenêtre, partit d’un frais éclat de rire ; je me fis violence pour ne pas aller les étrangler tous deux. Enfin, je me levai. Me voyant prêt à m’éloigner, M. de B… me demanda si j’étais venu à cheval. Sur ma réponse affirmative, il m’offrit de m’accompagner jusqu’à Peveney, car c’était son chemin pour retourner à Nantes. J’acceptai avec empressement ; le compagnon n’était guère de mon goût, mais il me souriait de ne le point laisser au logis. « Quoi ! vous nous quittez si tôt ! s’écrièrent Mme de Mondeberre et sa fille en s’adressant au beau cousin. — Il le faut, répondit M. de B… ; Pauline m’attend ce soir. » Je ne sais pourquoi ce nom de Pauline fut comme un rayon de soleil traversant la nuit de mon cœur. « J’espère, ajouta Mme de Mondeberre, qu’à votre prochaine visite, vous nous amènerez mon aimable cousine. » Je pensai qu’il s’agissait d’une sœur ; le rayon s’effaça, mon cœur retomba dans sa nuit. Cependant nos chevaux attendaient dans la cour du château. Alice et sa mère se mirent à la fenêtre pour nous voir partir et nous envoyer le dernier adieu. Une fois en selle, nous les saluâmes de la main, et, comme nous nous éloignions au pas allongé de nos bêtes, j’entendis Mme de Mondeberre s’écrier : « Gaston, embrassez pour moi votre femme ! » À ces mots, je me sentis si léger, qu’il me sembla que la brise allait m’enlever comme une plume. Il se fit en moi un de ces coups de vent qui balaient le ciel en moins d’une minute. Je me pris bientôt à causer avec M. de B… Je m’étais singulièrement abusé sur son compte. Durant le trajet de Mondeberre à Peveney, j’appris à le connaître et à l’apprécier. C’est un jeune homme charmant, joignant aux plus nobles qualités de l’ame les dons les plus précieux de l’esprit. En arrivant à Peveney, nous étions déjà de vieux amis. Nous nous reverrons, à coup sûr.

Telle est l’histoire de ma journée. Je t’écris, comme l’autre soir, à la même heure, près de ma fenêtre ouverte. La nature est bonne, la solitude est douce. En cet instant, la lune éclaire le sentier où j’ai