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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/347

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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

principal objet de ses convoitises. Enfin, aux vœux exprimés par le clergé de voir le concile de Trente reçu dans le royaume, il fut répondu dans la chambre du tiers par d’énergiques déclarations en faveur de la plénitude de l’autorité temporelle, déclarations dans lesquelles se révéla dans toute sa force l’esprit parlementaire qui dominait alors la haute bourgeoisie. Quant au projet du double mariage, il fut accueilli avec une faveur à peu près générale, et les mécontens virent avec un amer regret qu’il fallait renoncer à élever sur ce point de sérieuses objections. De vaines dispositions contre les duels, et quelques mesures contre les traitans, trésoriers et gens de finance, furent à peu près les seuls résultats effectifs de cette assemblée, qui avait trompé l’espoir des agitateurs, et n’avait révélé dans ses délibérations décousues que des divisions destinées à préparer la prépondérance du pouvoir monarchique, jusqu’au jour où, devenues plus profondes, on en verrait sortir une crise terrible pour la société tout entière.

La tenue de ces pacifiques états de Paris reporte la pensée vers ceux qui les avaient précédés comme vers ceux qui les ont suivis. Vingt-cinq années auparavant, les états de Blois voyaient expirer les Guise sous l’épée d’un officier des gardes. Un siècle et demi plus tard, les états de Versailles étaient inaugurés au bruit du canon de la Bastille. Combien cette date de 1614 est terne devant de tels souvenirs ! Quel abîme entre ces trois époques ! Les passions religieuses étaient affaiblies, et les passions politiques sommeillaient encore ; l’esprit humain traversait une époque de transition et d’attente, et nulle idée n’était assez puissante alors pour surexciter son énergie. Ce n’est pas que la société fût assise sur des bases solides et respectées : rien n’était fixe, ni dans les institutions, ni dans les mœurs ; les unes étaient tiraillées entre l’absolutisme monarchique aspirant à naître et une féodalité nouvelle s’efforçant de se reconstituer ; les autres, élégantes et cruelles, astucieuses et guerrières, participaient de l’héroïsme chevaleresque en même temps que des leçons de Machiavel. Les lettres elles-mêmes, soumises aux influences les plus contraires essayaient vainement de se frayer une voie, et d’atteindre à une originalité propre entre les inspirations de l’Espagne et de l’Italie et les souvenirs de l’antiquité. Au sein de cette confusion générale, dans ce pêle-mêle de civilisations étrangères superposées, il n’était pas un seul principe fécond qui pût devenir la base d’une organisation quelque peu durable. La conversion de Henri IV avait désarmé le catholicisme, et l’édit de Nantes donnait