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agréer à cette princesse. Au milieu de ses partisans troublés et surpris, Condé fut arrêté en plein Louvre au nom du roi, et conduit à la Bastille. Ce coup d’autorité, qui dut paraître téméraire aux contemporains, n’excédait pas pourtant la mesure des forces de la royauté : il constata combien les masses populaires et la majorité de la noblesse elle-même restaient étrangères aux agitations factices entretenues par les seigneurs. Les tentatives essayées pour insurger Paris n’amenèrent d’autre résultat que le pillage de l’hôtel d’Ancre et les princes retirés à Soissons essayèrent avec peu de succès d’organiser la guerre civile dans les différentes provinces du royaume. Le gouvernement ne recourut pas vainement à ses moyens accoutumés, et la défection du duc de Guise, qui s’était réuni aux mécontens après de longues hésitations, amena sinon la chute de la confédération elle-même, au moins son entière impuissance. Privés de leurs pensions et traitemens pendant cette nouvelle rupture avec la cour, les princes éprouvèrent bientôt le plus vif désir d’y rentrer. Une machination tramée dans l’ombre contre le favori de la reine-mère par un autre favori qui s’élevait sur ses ruines, leur en offrit promptement l’occasion. Comprenant enfin l’impossibilité de faire un appel spécieux à quelque grand intérêt public, ils transigèrent avec la cour au prix du sang, assurés d’être absous par l’opinion, s’ils consentaient à servir ses haines. Un gentillâtre de Provence, dresseur de faucons et siffleur de linottes, captivait alors, sinon la confiance du moins l’attention du triste monarque, qui apparaît pour la première fois dans l’histoire le jour d’un guet-apens commandé par lui. Albert de Luynes s’était déjà grandement poussé à la cour, en berçant par des distractions puériles la vie oisive de Louis, longue enfance sans naïveté et sans tendresse, à laquelle devait succéder une précoce vieillesse et une sorte de torpeur générale de l’ame et des sens. Mais, quelle que fût la position inespérée de ce jeune officier de vénerie devenu nécessaire aux plaisirs de son maître et admis à l’honneur de sa familiarité, les désirs du Provençal dépassaient les limites de sa fortune présente, et le maréchal d’Ancre lui semblait un invincible obstacle à son avenir. Insolent autant qu’avide, et plus imprudent qu’il ne convenait dans une situation si menacée, l’Italien n’avait épargné ni les dédains ni les railleries au pourvoyeur des chasses royales, dont sa bienveillante indifférence avait favorisé les premiers pas. De son côté, de Luynes avait compris qu’une seule voie lui était ouverte pour jouer un rôle politique, et qu’il fallait, par un service signalé, s’assurer le patronage des puissans ennemis