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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

termination. La commonwealth n’apporta d’ailleurs aucune perturbation profonde dans les élémens constitutionnels de l’Angleterre. Il n’y eut rien de changé dans le système de la propriété, presque rien dans la législation. Le symbole et la liturgie avaient été modifiés, mais le clergé conserva ses biens et continua de lever ses dîmes. La chambre des lords avait été supprimée, mais les lords ne perdirent pas leurs titres. Une portion considérable et puissante de la noblesse s’était associée au peuple dans la lutte contre la royauté ; la constitution de l’aristocratie, recrutée parmi les notabilités du pays, n’offensait aucun amour-propre légitime, ne blessait aucun intérêt. La vieille aristocratie conserva donc la considération et l’affection du peuple. Ainsi l’obstination seule de l’ancien roi avait rendu tout compromis impossible entre la nation et lui : sa défaite avait donné nécessairement le pouvoir à l’homme de génie qui avait organisé et achevé la victoire populaire ; mais après la mort de Cromwell, l’Angleterre, sans que rien fût changé à ses intérêts traditionnels, à ses anciennes mœurs politiques, pouvait essayer de recommencer, sous l’enseignement des expériences récentes, la conciliation qu’elle n’avait pu accomplir avec Charles Ier entre les droits du peuple et la royauté héréditaire.

On sait avec quel entraînement l’Angleterre alla vers la restauration en 1660. Elle semblait revenir à elle-même. La réaction fut à la fois religieuse, morale et politique. La situation excentrique et forcée du protectorat une fois brisée, tout se relâcha. Les fortes croyances devinrent ridicules ou odieuses. Le côté épicurien et viveur de la vieille et joyeuse Angleterre reparut. L’obséquiosité du premier parlement de la restauration rappelait les beaux jours de la monarchie sous les Tudors. Les Stuarts ne surent pas profiter de l’excellente situation que la réaction qui les ramena leur avait faite. Charles Ier fut inférieur à cette situation par son caractère, Jacques II par son intelligence. Le caractère de Charles II guérit promptement les Anglais de leur ivresse. Les terribles évènemens au milieu desquels s’était passée la jeunesse de ce prince, au lieu d’élever son ame, l’avaient plongé dans cette indolence d’esprit, dans ce scepticisme de mœurs, fondés sur le mépris de la vie et de l’humanité, où peuvent mener aussi les tourmentes de la fortune. Charles ne sembla remonter sur le trône que pour s’y arranger une vie d’insouciance, d’amusemens faciles, de grossières voluptés. Des avantages de la royauté, il n’avait à cœur que la facilité qu’elle lui offrait de se procurer l’argent dont il pouvait payer ses plaisirs. On a