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LES ESSAYISTS ANGLAIS.

la révolution, le parti whig, nourrissait contre la France, qui avait stipendié les Stuarts, les plus profonds ressentimens religieux et politiques. Dans l’entraînement de 1688, la nation se jeta passionnément, à la suite de ce parti, dans la guerre contre la France. Cependant elle ne tarda pas à trouver la lutte trop longue ; il s’en fallut de beaucoup que cette guerre donnât les résultats qu’on en avait espérés. Elle fut au contraire très dispendieuse : de lourdes taxes furent imposées pour subvenir ; les taxes ne suffirent pas, on fit des emprunts. La masse de la nation, effrayée de la charge nouvelle de la dette, fit porter à Guillaume, dont la guerre avait servi les penchans et les intérêts personnels, toute la responsabilité de ses déceptions. Un ministère tory lui fut imposé. Guillaume passa tristement ainsi la fin de son règne, impopulaire dans le pays, et courbé sous une sorte d’oppression qui l’abreuva d’amertume ; il mourut au moment où une fausse générosité de Louis XIV relevait sa politique et son influence. Les embarras intérieurs qui paralysaient son action l’empêchaient même de s’opposer à l’élévation de Philippe V sur le trône d’Espagne. Guillaume, affligé de maladies incurables, n’avait plus que quelques jours à vivre ; le parlement et le ministère étaient tories : que Louis XIV réussît à maintenir la paix quelque temps encore, et ses vastes desseins pouvaient s’accomplir sans opposition. Au lieu de cela, il gâta sa situation par la plus intempestive des imprudences : Jacques II meurt à Saint-Germain, et Louis reconnaît solennellement son fils comme roi d’Angleterre. Cet outrage gratuit à l’indépendance nationale de l’Angleterre y souleva une indignation universelle, dont Guillaume se hâta de profiter : il remania son ministère, convoqua un parlement qui donna la majorité aux whigs, et il avait organisé la grande coalition européenne contre Louis XIV et préparé la guerre, lorsqu’il expira.

La guerre de la succession contribua, puissamment, et de plusieurs manières, à consolider l’œuvre de 1688 ; la gloire qu’y acquirent les armes anglaises et l’influence prépondérante que la Grande-Bretagne obtint dans les affaires de l’Europe, sous les auspices du parti de la révolution, devaient attacher à la révolution même ce prestige de gloire qui naturalise bien les hommes et les institutions chez un peuple. Cette guerre accrut plus directement encore les forces intérieures du parti whig ; elle donna une impulsion immense au commerce britannique ; par les emprunts qu’elle nécessita, elle fut une cause de fortune rapide pour les hommes de finance ; elle développa donc la richesse dans la classe la plus indus-