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LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

de coco, la noix elle-même, qui, vidée et préparée convenablement, sert à confectionner les narguilés communs ; les bois de construction, les cotonnades fabriquées sur la côte, etc. Quant aux articles d’Europe, le fer, les tissus, et autres objets manufacturés, ils vont les prendre à Bombay.

Tous les navires, grands et petits, destinés à voyager dans ces parages, sont construits dans les ports de la côte occidentale de l’Inde, même la plupart des barques de tonnage moyen employées à la navigation de la mer Rouge ; mais on conçoit que des bâtimens fabriqués avec le meilleur bois du monde, manœuvrés avec discrétion dans des mers souvent tranquilles, et réglés dans leur service à un seul voyage par an, doivent durer un siècle. Grace à l’ancienne habitude qu’on avait de prévoir les attaques probables des pirates, les dows et surtout les baggerows du golfe étaient et sont encore des modèles de solidité ; puis les Arabes, moins pressés que nous en toutes choses, moins avides de faire fortune en peu d’années, chargent leurs navires comme leurs chameaux, assez pour qu’ils puissent marcher sans fléchir sous le poids[1]. C’est à Kotchin, le long du quai où elles sont amarrées, qu’on peut examiner de près la massive construction de ces barques énormes ; on prendrait cette ville pour un arsenal, à voir les chantiers où les juifs blancs de Syrie vendent les cordages et les bois entassés derrière les bazars, les corderies répandues au milieu des jardins jusqu’au village de Matachery, habité par des juifs noirs, venus on ne sait d’où : on oublie complètement les magasins hollandais établis jadis dans la cathédrale portugaise, où le grand Albuquerque, en sortant de la messe, avait tourné le dos à Jorge Barreto, gouverneur de la citadelle ; rien ne reste de ces deux puissances rivales. Le drapeau anglais, flottant au mât de pavillon, dit clairement à l’étranger que le lion britannique, là comme ailleurs, est venu mettre sa griffe sur une proie trop longtemps disputée. Le canon qui tonne au lever et au coucher du soleil fait comprendre aussi que les maîtres sont assez forts pour accorder protection au commerce extérieur. Ainsi le petit port de Kotchin a, au plus haut degré, l’aspect d’une cité asiatique, dans laquelle l’élément européen est à peine sensible, et je souhaiterais à un peintre d’avoir à mettre sur la toile la vue de cette ville prise de la douane à

  1. On a quelquefois mâté en bricks ces lourdes barques, soit pour les transformer en corsaires soit pour naviguer sur la côte ; mais on n’en a fait que des navires bâtards et laids.