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mauvais œil ces barbares Moscovites qui venaient ainsi leur enlever les morceaux de la bouche.

J’ai dit que, dans la plupart des cantons de l’île, la culture du blé donne un produit de sept ou huit pour un ; mais, dans quelques districts favorisés, tels que ceux de Traxentu et de Nora, ce produit est presque triplé. Si les procédés de l’agriculture étaient perfectionnés, si la terre était plus profondément remuée, ce magnifique résultat pourrait être obtenu sur presque toute la surface cultivable. Il faut que l’inertie de la population rurale soit bien grande pour avoir neutralisé deux excellentes institutions établies en faveur de l’agriculture, les monts de secours et le barracellat. Le monte di soccorso, institué sous le ministère du comte Bogino, est une banque agricole dont le mécanisme fait le plus grand honneur à l’ingénieuse charité de son fondateur, et que les nations les plus avancées pourraient s’approprier avec de grands avantages. Dans chaque ville ou village, un comité, sous le nom de giunte locali réunit presque toutes les autorités locales, le chanoine prébendé, ou le curé le plus ancien, le baron ou son régisseur, le major de justice, un censeur, un secrétaire et un garde-magasin. Chacun de ces comités est subordonné à une junte diocésaine, composée de plusieurs conseillers et présidée par l’évêque : des censeurs diocésains, représentant ces comités supérieurs, communiquent avec une junte générale, établie à Cagliari et réunissant les plus grands dignitaires de l’île. Chacun de ces centres a pour mission de fournir aux cultivateurs, et particulièrement aux indigens, la quantité de grains nécessaire pour ensemencer leurs terres, ou un secours en argent destiné à subvenir à l’achat des bœufs et des instrumens de labourage, ou aux dépenses de la moisson. À une époque déterminée de l’année, chaque laboureur déclare le nombre de ses bœufs, l’étendue de ses champs, expose ses besoins et, lorsque sa déclaration a été vérifiée par cinq prud’hommes de l’endroit (probi uomini), il reçoit le grain ou l’argent qui lui sont alloués, en s’obligeant à les rendre après la moisson : l’intérêt exigé équivaut à un seizième pour les grains, et à un et demi pour cent par année pour les secours en argent. Chaque junte réserve annuellement une certaine quantité de blé ou d’orge pour l’ensemencement d’un terrain qui lui est attribué ; tous les habitans du village, à l’exception des bergers, sont tenus, sous peine d’amende, de concourir par une journée de travail gratuit à la culture de ce terrain commun. Il arrive souvent qu’après avoir soldé toutes ses dettes et