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révolution du 15 septembre est une révolution purement grecque. Maintenant, qu’un cabinet étranger ait attisé le feu qui couvait sous la cendre, que par de sourdes menées il ait avancé le jour d’une catastrophe inévitable dont il espérait profiter peut-être et qui a tourné contre lui, nous sommes loin de vouloir le nier ; mais avant de rendre compte des secrètes manœuvres qui ont augmenté le mécontentement des Hellènes, il faut chercher dans le passé l’origine de ce mécontentement même.

En 1827, la nation grecque, qui, pendant quatre siècles d’asservissement, n’avait jamais désespéré d’elle-même, avait enfin secoué le joug. Malheureusement la guerre avait tout dévasté, et la Grèce en renaissant se trouva sans ressources pour vivre. Un agent de la Russie, M. Capo d’Istria, fut nommé président du nouveau gouvernement. C’était un homme capable, mais faible et ambitieux. On croit généralement à Athènes que, le titre de président lui convenant à merveille, il avait tout intérêt à ce que la Grèce ne devint pas un royaume digne d’un plus puissant que lui, et qu’il n’a pas travaillé, comme il l’aurait pu, à en faire reculer les limites. La correspondance de M. Capo d’Istria avec le prince Léopold de Saxe-Cobourg a prouvé qu’il n’avait pas peu contribué, plus tard, au refus par lequel ce prince répondit à l’offre de la couronne de Grèce. Le plus grand désordre signala l’administration du nouveau président et celle de son successeur. Après les jours d’oppression vinrent les jours d’incurie. Bientôt régna une anarchie complète qui acheva de détruire ce que la guerre avait épargné. Le 9 avril 1832, à la chute du comte Augustino, qui avait succédé à Capo d’Istria son frère, on trouva dans le trésor vingt-quatre écus de cuivre[1]. C’était toute la fortune de la Grèce. Les trois puissances qui avaient aidé de leurs armes ce malheureux pays vinrent au secours de ses finances. Le 7 mai, un prêt de 60 millions fut garanti à la Grèce par les trois cours de France, d’Angleterre et de Russie, et il fut décidé, après le refus du prince Léopold, que le second fils du roi de Bavière serait roi des Grecs. Le prince était mineur. Sa grande jeunesse avait même été un des principaux motifs qui l’avaient désigné au choix des puissances. On pensait qu’un très jeune chef inspirerait de la confiance aux Hellènes. C’était un souverain qu’on leur donnait à élever selon leurs idées, selon les besoins du pays. On espérait aussi qu’arrivant en Grèce à l’âge où le caractère des hommes, et celui des princes en

  1. Thiersch, État actuel de la Grèce, Leipsig, 1834, t. 1, p. 119.