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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/644

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donnait une capacité supérieure ; pendant une année il dirigea seul les affaires. De tous les ministres bavarois qui se sont succédé depuis dix ans, M. Maürer est peut-être le seul qui ait su gagner la confiance des Grecs. Arrivé dans un temps où tout était à faire, il rassembla autour de lui les hommes éminens du pays ; il étudia rapidement la situation et les besoins de la Grèce. Tout en respectant ses institutions, il en fonda de nouvelles ; partisan des idées françaises, il donna aux Grecs un code pénal imité du nôtre, un jury institué à la française ; son administration habile et prudente rétablit l’ordre. Peu à peu les affaires prirent leur cours, et le pays prospéra. Le souvenir de M. Maürer est encore vénéré à Athènes. Malheureusement, au bout d’une année, par suite des intrigues de l’Angleterre, assure-t-on, il fut rappelé à Munich. M. d’Armansperg prit le pouvoir ; alors tout changea de face. Le président du conseil se montra aussi prodigue que son prédécesseur avait été économe ; il quadrupla le traitement de certains grands fonctionnaires, bouleversa tout le personnel de l’administration pour s’entourer de ses créatures ou pour s’en faire de nouvelles. Deux hommes considérables, estimés de tous, Maurocordato et Colettis, avaient pris une grande part aux affaires ; les Grecs, que le gouvernement bavarois avait d’abord un peu effrayés, s’étaient rassurés en voyant parmi ceux qui veillaient à leurs intérêts ces deux enfans de leur révolution. M. Maürer, comprenant la force que devait donner à son administration la coopération de ces deux chefs de parti, les avait attirés : le président du conseil s’en débarrassa : sous prétexte de les nommer ministres, l’un en Allemagne, l’autre en France, il exila Maurocordato à Berlin, et Colettis à Paris. Après leur départ, les Grecs n’eurent plus de représentans sérieux au ministère, et le gouvernement bavarois s’isola au milieu de la nation. Dès-lors il se rendit coupable d’injustices criantes qui excitèrent en Grèce une indignation générale. Tous les grades dans l’armée furent donnés aux compatriotes du roi. On s’inquiétait peu de la capacité des nouveaux titulaires ; être né à Munich, c’était l’important ; la qualité de Bavarois rendait apte à toutes les fonctions : d’un soldat on faisait un capitaine, un lieutenant de vaisseau d’un officier d’infanterie. Un humble expéditionnaire bavarois occupait une des places importantes de l’administration ; à l’une des facultés d’Athènes professait un sous-maître d’école d’un village allemand. On abandonnait dans la misère les veuves des citoyens morts pour la patrie, et l’on envoyait chaque année en Bavière une somme considérable aux familles des soldats qui avaient péri victimes d’un goût im-