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tenant de Rosas des garanties de nature à dissiper les craintes qu’ils avaient conçues pour leurs personnes et leurs propriétés ; mais, avant même l’apparition de M. Massieu dans le Rio de la Plata, le général Oribe n’avait-il pas promis à M. Pichon et aux représentans des autres nations que, dans toutes les circonstances possibles, il respecterait et ferait respecter les étrangers, en tant, ajoutait-il, et la condition était conforme au droit, que ceux-ci garderaient la plus stricte neutralité et ne se mêleraient en rien aux affaires politiques du pays ? Les négocians français devaient être d’autant plus rassurés par cette promesse, qu’elle se trouvait garantie par la présence des forces navales qui, dans ce moment, étaient réunies devant Montévideo ; les puissances maritimes auxquelles appartiennent ces forces avaient toutes des intérêts plus ou moins considérables à protéger.

Dans ces difficiles circonstances, nos compatriotes n’avaient qu’une conduite à tenir ; ils devaient se mettre sous l’égide du traité du 29 octobre 1840, se confier au patriotisme éclairé des hommes que le gouvernement avait placés au milieu d’eux pour les protéger, et repousser avec énergie toute participation aux affaires politiques de la république. Ils ont préféré agir tout différemment, et dès-lors ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes si, ayant manifesté l’intention de s’armer, de faire cause commune avec les Montévidéens, Oribe, par une circulaire tout empreinte de son humeur farouche, déclara que les étrangers qui prêteraient leur appui à ses ennemis seraient traités comme des sauvages unitaires. On a dit, pour la justifier, que la prise d’armes a été, de quelques jours, postérieure à la circulaire comminatoire d’Oribe : cela est vrai ; mais la résolution officiellement annoncée de s’armer lui est antérieure, et ce n’est, on n’en peut douter, qu’après avoir eu avis de cette inébranlable résolution, qu’Oribe a publié une déclaration qui rappelle toute la violence des mœurs du pays. On a prétendu et cent fois répété, par l’organe du journal le Patriote français, que M. Pichon lui-même avait poussé les Français à prendre les armes, que c’est sous son patronage qu’eut lieu la réunion nocturne où l’on jeta les premières bases de cette résolution. Il ne nous appartient pas d’affirmer ni de nier ces faits ; toutefois le simple bon sens nous commande d’en douter. Il est difficile de croire que ce fonctionnaire, qui pendant ces évènemens a fait preuve de fermeté, ait voulu se compromettre aux yeux de son gouvernement, en donnant son assentiment à une prise d’armes, en prêtant l’appui de ses conseils à l’organisation des bataillons, au choix des officiers, et surtout en partageant la malheureuse idée de prendre les couleurs nationales pour drapeau. Est-ce aussi par l’influence de M. Pichon et d’après ses conseils que le gouvernement oriental frappa d’un droit exorbitant les magasins des Français qui ne s’étaient pas enrôlés, alors que ceux dont les noms figuraient sur les contrôles du corps de volontaires étrangers en étaient affranchis ? Est-ce aussi par l’influence de M. Pichon et d’après ses conseils que défense fut faite d’ouvrir les magasins, sous peine d’amende, aux heures des exercices, et que l’on poussa