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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/72

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introduit sous un autre mille petites vengeances. À ce jeu de chaque jour, de chaque heure, que devient l’affection mutuelle ? Dans l’intérêt de l’intimité morale selon le rigorisme, voilà les deux époux devenus ennemis intimes.

En maint endroit de son livre, Mme de Gasparin prêche à la femme l’abnégation et le renoncement, et cela avec une chaleur d’éloquence souvent entraînante. Il ne faut pas cependant se laisser prendre à ces paroles de paix, car l’auteur ne fait là qu’une concession apparente, pour obtenir beaucoup plus qu’elle n’aurait osé demander de prime-abord ; elle donne de la main gauche pour s’enrichir de la main droite. Ainsi veut-on savoir comment Mme de Gasparin entend la liberté de conscience du mari ? Si le mari est incrédule, la femme est chargée de remporter une victoire complète sur son incrédulité, et elle la remportera, quoi qu’il en coûte. Rien ne l’arrêtera, jusqu’à ce qu’elle en soit venue à ses fins, et, pour débuter, elle exigera qu’il assiste aux offices religieux ; s’il résiste, elle redoublera ses efforts ; les querelles ne l’effraieront pas, elle demandera toujours et sans cesse ; elle sera inflexible. Le mari finira par céder, soyez-en sûr. Nous aimons à croire que ce n’est pas là un échantillon de la liberté de conscience à la façon du réveil évangélique. Mme de Gasparin a fait une innovation ; c’est la première fois qu’on érige en principe le despotisme de l’importunité.

Ce n’est pas qu’après avoir posé ses principes absolus, l’auteur n’essaie quelquefois des tempéramens. Ainsi sur l’éducation, car dans son livre sur le mariage se trouve enclavé tout un traité sur l’éducation, elle est évidemment pour l’éducation privée et s’exprime sur ce point d’une façon assez claire ; cependant, en fin de compte, elle se prononce pour le mélange de l’éducation privée et de l’éducation publique, oubliant sa sortie contre les colléges, oubliant le stigmate qu’elle vient d’infliger à l’émulation qu’on a l’infamie d’inculquer aux enfans, et qui n’est qu’un vice odieux ! L’émulation un vice odieux ! Que tous les maîtres et tous les disciples s’arrangent avec Mme de Gasparin. Ce qui est important pour nous, c’est qu’elle se prononce en faveur des colléges, quoique l’instruction y soit très défectueuse, et que les mauvais exemples y soient permanens ! Ce n’est même que pour se purifier de ces mauvais exemples qu’elle exige que les enfans rentrent chaque soir sous le toit paternel : c’est donc pour y être témoin des effets de l’intimité morale à la manière méthodiste ; il vaudrait autant qu’ils restassent au collége.