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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 novembre 1843.


Comment assister sans une vive satisfaction au spectacle que présente aujourd’hui l’Espagne ? On avait, il n’y a pas un an, coutume de dire, et on avait alors raison de penser, que l’Espagne était le pays de l’imprévu et de l’extraordinaire. Rien ne s’y passe, disait-on, comme partout ailleurs ; ce qui partout ailleurs serait un élément d’ordre et un moyen d’affermissement et de sûreté devient tout à coup en Espagne un principe de discorde, un moyen de trouble : le désordre s’y fait jour de toutes parts, comme si rien ne pouvait, au-delà des Pyrénées, lui fermer toutes les issues. Reconnaissons-le : ces plaintes et ces remarques ne sont plus de saison aujourd’hui. L’Espagne se gouverne dans ce moment selon les lois de la commune raison, du bon sens universel. Les causes y sont suivies de leurs effets, les prémisses ne restent pas sans leurs conséquences. Ce qu’on devait prévoir, ce qu’on avait prévu se réalise : toutes les attentes ne sont plus frustrées, ni toutes les espérances trompées. On peut aujourd’hui établir quelques conjectures au sujet de l’Espagne, sans passer pour un rêveur.

On avait prévu que la coalition, en présence des ayacuchos, ne pouvait pas reculer, et qu’elle accomplirait son œuvre : elle l’a accompli, avec une habileté rare et avec une modération plus rare encore en Espagne. On espérait que les cortès s’empresseraient de déclarer la majorité de la reine ; elles l’ont fait avec une unanimité qui a donné une grande force morale à la décision législative. On s’attendait à voir les troubles qui ont agité l’Aragon et la Catalogne s’apaiser à la proclamation de la majorité de la reine, et en effet tout est promptement rentré dans l’ordre ; on peut s’assurer que de long-temps la guerre civile n’ensanglantera plus les provinces espagnoles ; le radicalisme armé vient de faire ses derniers efforts et de constater son impuissance dans