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d’une main aussi vigoureuse. Les difficultés même auxquelles, de son propre aveu, il devait s’attendre, semblaient s’être évanouies à son approche, ou n’avaient apparu un instant que pour orner et consacrer son triomphe.

Aujourd’hui, tout est changé, et, si l’on en croit les apparences, la chute de sir Robert Peel a suivi de près sa grandeur. Non-seulement les difficultés prévues ont reparu plus graves et plus menaçantes que jamais, mais sur le terrain même où sa puissance paraissait le mieux assurée, dans le parlement, des embarras et des échecs assez sérieux sont venus plus d’une fois l’avertir que les temps étaient changés ; plus d’une fois aussi, pour échapper à une défaite probable, il a dû transiger ou reculer. Aussi ses ennemis ont-ils soudainement repris courage, tandis que beaucoup de ses amis, mécontens et inquiets, ne lui prêtent plus qu’un appui incertain. De tous les journaux tories, un seul, le Standard, lui reste pleinement fidèle. Les autres, le Times en tête, ne le prennent désormais que comme un pis-aller.

D’où vient, où va cette réaction que tout le monde a remarquée sans que personne jusqu’ici l’ait suffisamment expliquée ? Répond-elle à un changement bien réel soit dans la conduite de sir Robert Peel, soit dans l’état du pays ? ou bien n’est-ce que le résultat passager de quelques-uns de ces accidens qui viennent troubler toute carrière politique un peu longue ? En un mot, le parti tory, qui, par dix ans d’efforts persévérans et habiles, était parvenu en 1841 à remonter au pouvoir, s’en verra-t-il précipité de nouveau au bout de deux ans dans la personne de ses hommes d’état les plus illustres et les plus éprouvés ? Telle est la question qui s’agite en ce moment et sur laquelle les esprits paraissent se diviser. Pour la résoudre, il faut, avant tout, présenter le bilan complet de la politique ministérielle et de ses résultats au dehors et au dedans. Il faut ensuite rechercher quels sont les successeurs possibles de sir Robert Peel, et s’ils possèdent plus que lui la solution des graves problèmes qui se débattent dans le royaume-uni. Il faut enfin examiner si depuis un an, et sous l’influence des derniers évènemens, les vieilles combinaisons se sont modifiées, et les vieux partis transformés assez pour que des combinaisons et des partis nouveaux puissent dès aujourd’hui envahir le monde politique. Ce sera l’objet principal de cet article, suite de ceux que la Revue a déjà publiés en 1840,1841 et 1842.

Pour bien apprécier la situation actuelle du ministère Peel, il y a d’abord une distinction à faire. On sait qu’en Angleterre la session