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grandes concessions ; tout cela cependant n’aboutit qu’à mécontenter l’église sans contenter les dissidens. L’église se dit presque trahie. Les dissidens se réunirent, discutèrent entre eux les amendemens proposés, et finirent par émettre une déclaration collective qui condamnait absolument le bill. Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’un de leurs principaux argumens fut le progrès des doctrines puséistes dans l’anglicanisme, et la tendance manifeste de ces doctrines vers le catholicisme. L’embarras du gouvernement alla ainsi augmentant, et il ne diminua pas le jour où M. Roebuck, se fondant sur l’esprit d’intolérance presque également manifesté par l’église établie et par les sectes dissidentes, proposa de déclarer que « l’éducation nationale doit être purement séculière. » La motion fut appuyée par M. Shiel, qui, rappelant que « l’arc-en-ciel envoyé par Dieu aux hommes comme signe de sa bonté se compose de plusieurs nuances toutes égales entre elles, en conclut poétiquement « qu’aucune religion n’a le droit de dominer les autres ; » mais elle eut pour adversaires d’une part le gouvernement, de l’autre M. Hawes, organe des sectes dissidentes, et fut rejetée par 156 voix contre 60.

Après tant d’échecs, il ne restait plus au ministère qu’à laisser tomber son bill, et c’est ce qu’il fit. Quelques jours après, M. Christie, passant de l’instruction primaire à l’instruction supérieure, proposait, avec l’appui de lord John Russell, de M. Roebuck, de M. Wyse, l’abolition des sermens qui excluent les catholiques et les dissidens des grades universitaires à Oxford et à Cambridge. On fit à ce sujet remarquer que la législation sur la matière n’était pas plus conséquente que juste. Ainsi, à Oxford, l’exclusion est complète, et on ne peut prendre aucun degré sans souscrire les trente-neuf articles. À Cambridge, les catholiques et les dissidens sont admis à prendre leurs degrés, mais sans pouvoir aspirer aux honneurs universitaires. À cela, lord Stanley, sir Robert Inglis et M. Shaw répondirent qu’Oxford et Cambridge étaient des établissemens ecclésiastiques soutenus par des revenus privés, et que la nouvelle université de Londres était là pour ceux que n’admettaient pas les deux autres. Malgré ces observations qui, il y a quinze ans, auraient entraîné la chambre entière, il y eut 105 voix pour la motion et 175 contre.

Dans un moment où le parti qui a perdu la restauration tend si étrangement en France à déséculariser l’instruction publique, c’est-à-dire à détruire l’œuvre des derniers siècles, et surtout des cinquante dernières années, il est bon de signaler en Angleterre un effort tout contraire, et de montrer quelle est dans ce pays, malgré de grandes