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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/904

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nant des processions ordinaires et en renonçant à toute espèce de meetings. Plus tard pourtant, lord Roden se lassa de son inaction, et donna son assentiment à un grand meeting à Belfast où devaient se réunir les délégués des divers comités protestans ; mais lord Londonderry, habituellement moins modéré, intervint, et établit dans une lettre fort raisonnable que ce meeting ne ferait qu’entretenir l’agitation. Le meeting fut donc abandonné. À l’exception d’un meeting à Dublin où l’alderman Butt prouva victorieusement que l’état de choses actuel était dû aux ménagemens du ministère pour le pape, tout se borna de ce côté à quelques articles de journaux. L’Evening Mail, par exemple, s’indigna beaucoup qu’on voulût élever une statue de bronze au libérateur, et déclara qu’on n’avait rien vu de plus impie, de plus abominable depuis Nabuchodonosor. Cependant l’Evening Mail lui-même s’abstint de provocations trop violentes et laissa échapper quelquefois le mot de conciliation.

O’Connell plus puissant que jamais et le clergé catholique devenu partout son allié ardent et actif, la population irlandaise presque entière convaincue que le rappel de l’union guérirait tous ses maux et pénétrée de cette idée que secouer le joug du Saxon c’était assurer son bien-être tout en vengeant plusieurs siècles d’oppression et d’humiliation nationale ; puis, pour organiser, pour gouverner l’agitation, une assemblée hebdomadaire percevant des impôts et donnant partout le mot d’ordre, des tribunaux volontaires institués dans l’intention avouée d’arracher à l’Angleterre l’administration de la justice ; bientôt enfin une chambre que son créateur comparait lui-même au congrès américain pendant la guerre de l’indépendance : voilà ce que l’Irlande était devenue en trois mois, après un an de calme et de confiance, quand déjà on s’enorgueillissait de l’avoir si facilement pacifiée et soumise. Il faut à présent repasser le détroit et voir quel effet produisit sur le parlement et sur la presse cette situation singulière.

Il y a d’abord une remarque importante à faire. Pendant que l’Irlande était paisible, personne, pas plus les whigs que les tories, pas plus les radicaux que les whigs, ne s’occupait en Angleterre de ses griefs et de ses souffrances. La question irlandaise avait cessé d’être un moyen utile d’opposition. Dès-lors la question irlandaise était oubliée de tout le monde, si ce n’est des membres irlandais eux-mêmes. Dès que l’Irlande s’agita et menaça sérieusement, il en fut autrement, et les défenseurs pleins de sympathie et de zèle ne lui manquèrent pas. La première occasion qui se présenta fut celle du