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WHITE-CHAPEL.

gens-là vivent des restes de Londres. Ce sont des parasites actifs, et comme les écumeurs du luxe anglais. Leur industrie consiste à approprier à l’usage des dernières classes de la société les objets que l’aristocratie et la valetaille de l’aristocratie ont dédaignés ou mis hors de service. Les Irlandais préfèrent se nourrir des restes des animaux et disputer aux porcs la plus vile espèce de pomme de terre. Cela prouve à la fois plus de paresse et plus de fierté.

Mais quelle que soit la différence de régime, d’énergie morale et de vigueur physique, il faut payer tribut au climat. Le climat, ici, ce sont les vapeurs pestilentielles qui s’échappent de ce cloaque et qui enveloppent ensuite, comme un linceul funèbre, la masse des habitations. L’air qu’on respire à White-Chapel rend les abords de la vie bien difficiles, et, pour ceux qui en jouissent, il en abrége la durée. Il y meurt un enfant sur deux, presque autant qu’à Manchester et à Liverpool. Les chances de vivre, qui sont dans le West-End de vingt six ans pour la classe des artisans et des domestiques, y descendent à vingt-deux ans. La mortalité moyenne de Londres est de 1 habitant sur 40 ; mais tandis qu’elle se réduit, dans les quartiers de l’ouest, à 1 sur 44,60, elle atteint, dans ceux de l’est, la proportion de 1 sur 38,53.

Si l’on veut mesurer avec quelque précision l’influence qu’exercent les circonstances locales sur la durée de la vie humaine, c’est de la mortalité parmi les femmes qu’il faut principalement tenir compte. La femme, ainsi que le fait remarquer M. Chadwick, est tout dans la maison. Comme ses habitudes sont plus régulières et plus sobres, comme elle mène une existence plus sédentaire, rien n’altère pour elle l’action bonne ou mauvaise du climat, et les effets que ce climat produit sur sa constitution peuvent être considérés comme des résultats naturels. Or, il meurt annuellement 1 femme sur 57,05 dans la paroisse de Saint-George, située à l’extrémité du quartier aristocratique, et 1 femme sur 28,15 à White-Chapel. Donc, toutes choses égales, pendant que 1,000 femmes arrivent naturellement au terme de leur vie de chaque côté de Londres, 1,034 sont emportées en outre dans les quartiers les plus malsains de l’est, par des maladies à l’abri desquelles l’ouest se trouve placé.

Quelle est la nature de ces maladies ? Le rapport du docteur Southwood-Smith va nous fournir des chiffres tristement éloquens. De 13,972 cas de fièvre qui se déclarèrent à Londres en 1838, parmi les 77,186 indigens admis aux secours publics, 8,000 cas appartenaient aux paroisses de l’est, et 2,405 à la seule paroisse de White-Chapel. Ce district, qui représentait 7 pour 100 de la population