Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/917

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
911
LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

pas qu’on s’y arrête un moment. Ce que demande l’Irlande, c’est donc un parlement véritable avec toutes les garanties, toutes les prérogatives du parlement anglais.

Or, un tel parlement, les deux couronnes restassent-elles sur une même tête, c’est la séparation. O’Connell, surtout quand il veut gagner quelques partisans en Angleterre, se débat contre cette conséquence inévitable du rappel, et M. Sturge de Birmingham, lui ayant écrit que les réformistes anglais étaient prêts à s’unir à lui, s’il prouvait bien clairement que son plan ne conduit pas à la séparation, il entasse sophismes sur sophismes pour démontrer à M. Sturge qu’il peut, en toute sûreté de conscience, se faire repealer. « Ce que les repealers veulent, dit-il, c’est que l’Irlande, pour toutes les affaires irlandaises, ait un parlement souverain. Quant aux questions de paix ou de guerre, quant aux traités avec les puissances étrangères, elles appartiennent, en vertu de la constitution même, à la prérogative royale. » Quelle singulière argutie ! O’Connell, membre de la chambre des communes, ignore-t-il que dans le gouvernement représentatif la prérogative royale s’exerce par le conseil et sous le contre-seing de ministres responsables que le parlement fait ou défait ? En Angleterre, sir Robert Peel a la majorité et est premier ministre ; en Irlande, O’Connell aurait la majorité et serait premier ministre. Il se pourrait donc que la même prérogative royale conseillée par sir Robert Peel en Angleterre, et par O’Connell en Irlande, voulût ici la paix et là la guerre, ici l’exclusion absolue des produits français ou allemands, là un traité de commerce avec la France ou avec l’Allemagne Il n’y aurait qu’un moyen d’éviter de tels conflits, ce serait que l’Irlande se contentât de gérer tant bien que mal quelques affaires locales, et renonçât à exercer la moindre influence sur les grandes questions qui font la gloire ou la honte, la richesse ou la misère des nations. Ce serait descendre au lieu de monter, et se ravaler au rôle d’une colonie exploitée par la métropole, au lieu de s’élever à celui d’un pays indépendant.

Au surplus, O’Connell l’a dit lui-même, ce qu’il lui faut pour l’Irlande, c’est la situation de la Norwége. Or, tout le monde sait que l’union de la Norwége et de la Suède n’est qu’une union purement nominale, et que le roi n’a qu’un vote suspensif sur les lois votées par le storthing.

Il n’est donc possible de tromper personne ; c’est d’une séparation réelle qu’il s’agit. Or, ni l’Angleterre ni même le nord de l’Irlande ne peut y consentir sans un honteux suicide. O’Connell, depuis quel-