Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
REVUE DES DEUX MONDES.

du dock de Londres avec la route de Hackney ; la troisième, prenant ces quartiers en écharpe, lierait la route de White-Chapel aux routes du nord et de l’ouest, à travers la partie septentrionale de la Cité.

Pour avoir les moyens d’exécuter d’aussi vastes projets, il faudrait imposer à tous les habitans de Londres, dans la proportion de leur revenu, une contribution spéciale. Cette taxe serait une mesure d’économie, en même temps qu’un acte de justice et d’humanité. Chaque année, la ville de Londres dépense plus de 10 millions de francs pour l’entretien de ses pauvres, sans parler des souscriptions volontaires dont le produit est consacré à défrayer les hôpitaux. Qui doute que les épidémies meurtrières qui ravagent les quartiers les plus peuplés ne contribuent à augmenter le nombre des nécessiteux, en mettant à la charge des paroisses les familles que le typhus ou tout autre maladie contagieuse a privées de leurs chefs ? Diminuer la mortalité dans Londres, ce serait diminuer la misère. Qui pourrait se plaindre d’avoir ainsi la chance d’amortir, par un sacrifice préventif, une partie de cet affreux budget ?

Les rues du West-End ont généralement trente à quarante pieds de largeur ; les rues de White-Chapel, même quand elles sont disposées pour le passage des voitures, n’en ont pas plus de quinze à dix-huit. Dans le quartier de l’aristocratie, chaque famille habite une maison spacieuse et commode, où l’air et l’eau peuvent circuler à grands flots ; dans les quartiers populeux, chaque famille est réduite à une chambre, qui manque souvent à la fois d’air, de lumière, d’eau et de feu. À l’ouest, tout a été combiné pour prolonger la durée de l’existence ; à l’est, tout concourt à l’abréger, au point que dans la même ville un homme, selon qu’il est riche ou pauvre, et selon qu’il a planté son domicile dans telle ou telle rue, vit le double d’un autre, ou seulement la moitié. Quand les inégalités sociales sont poussées jusqu’à ce mépris de la nature humaine, ne deviennent-elles pas une révolte contre la Providence, un acte insolent d’impiété ?

Je comprends tous les systèmes de gouvernement, j’admets l’extrême concentration de la propriété comme son extrême division, car les institutions des peuples doivent différer autant que leur génie ; mais ce que je ne conçois pas et ce qui ne paraît essentiel à aucun système, c’est un état de choses dans lequel une minorité puisse impunément s’approprier le sol, les habitations et jusqu’à l’air salubre, en reléguant la majorité dans quelque coin de terre, où