Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/1018

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1014
REVUE DES DEUX MONDES.

soldat plébéien, parti avec des projets formidables, prendre en un instant tous les ridicules d’une aristocratie cavalière, et l’enthousiasme énergique de M. Boerne, la sincère ardeur de M. Wienbarg, s’évanouir en fumée dans un feuilleton prétentieux. Décidément, M. Laube a achevé son éducation de gentilhomme. Comment ignorerait-il aujourd’hui qu’il fait de la prose ? celle qu’il nous donne est si étudiée, si leste, si pimpante !

M. Théodore Mundt, qui occupe une place considérable dans le mouvement de la jeune Allemagne, est peut-être, avec M. Wienbarg, le plus convaincu de tous ces écrivains. Armé d’une sincérité véhémente que M. Gutzkow n’a jamais connue, porté vers une direction sérieuse qui est interdite à M. Laube, il a représenté plus d’une fois avec éclat les ambitions de la jeunesse. Il a cru, comme M. Wienbarg, à la régénération de l’Allemagne ; comme lui, il a cherché ardemment ce qui manquait surtout à son école, des principes nettement conçus, des idées à défendre et qui les protégeraient eux-mêmes. Toutefois, il y a eu plus d’ardeur que de bonheur dans sa pensée, et le système qu’il prêchait dans ses premiers écrits, les idées auxquelles il demandait une action forte sur la société, n’étaient, il faut le dire, ni très neuves ni très fécondes. Ce que M. Mundt voulait surtout, c’était de réhabiliter, comme on dit, la matière, de justifier la chair et ses désirs. Voilà un nouveau reflet des utopies qui tâchaient de se constituer en France vers la même époque, et il est remarquable que les doctrines saint-simoniennes soient encore ce qu’il y a eu de plus clair dans ces théories de la jeune Allemagne, dans ces systèmes si hautement proclamés, annoncés à son de trompe, avec tant de fanfares retentissantes, et dont personne n’a jamais pu découvrir le premier mot. Pourtant M. Mundt n’accepte pas cette filiation de sa théorie ; il ne croit pas la devoir aux enseignemens de Saint-Simon, il en fait honneur au protestantisme. Dans un de ses principaux livres, son héros écrit cette page, qui contient toute la pensée de l’auteur : « Vous avez été de faux prophètes, saint-simoniens, je vous le dis ; car si vous prêchez que Dieu est chair et esprit, adorez donc en Jésus le dieu devenu homme ! Votre doctrine, mêlée de scories impures, est depuis longtemps, depuis le premier jour, dans le christianisme, mais elle y est comme quelque chose de pur et qui présage un grand avenir. Je veux dire que je crois à un perfectionnement du christianisme, et que je le sens déjà en moi-même. Le christianisme n’a besoin d’aucun changement artificiel, d’aucune révolution systématique, mais il est susceptible de développement jusque dans l’éternité des siècles. Du fond des églises, du fond des cloîtres, du fond de la petite chambre con-