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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

seconde ligne, Nantes et Rennes, puis Bordeaux et Toulouse ; le centre, le nord et l’est de la France ont pris aux œuvres du prosélytisme une part beaucoup moins vive, ce qui fait dire aux rédacteurs des statistiques catholiques : Hélas ! nous avons là aussi une France obscure. Il aurait fallu ajouter, pour être juste, que le catholicisme de cette France obscure est en général plus sincère, plus modéré que celui des grands centres, et surtout qu’il laisse moins de prise aux passions politiques ou aux intérêts personnels.

Le gouvernement de juillet s’est toujours montré sympathique au mouvement religieux ; il y a plus de dix ans déjà, M. de Montalivet, dans la séance du 15 février 1832, demandait aux chambres une augmentation de traitement pour le clergé catholique. Le cardinalat français a été réhabilité en 1836 ; des sommes considérables ont été affectées à la construction, à la réparation des églises et des presbytères ; les pensions du clergé régulier, dépossédé par la révolution, ont été presque doublées ; les missions ont trouvé partout dans les consulats, dans les stations de la marine militaire, et conformément aux instructions précises du pouvoir, une protection active et efficace. On a érigé en évêché, dans nos possessions d’Afrique, l’ancienne province de Julia Cæsarea ; 350,000 francs ont été affectés, en 1842, à l’agrandissement de la cathédrale d’Alger ; d’autres sommes importantes ont été consacrées, en Afrique, à la construction de dix églises nouvelles, et des terres ont été allouées aux trappistes dans la colonie. L’un des premiers actes de ces religieux, et c’est là comprendre dignement l’esprit du christianisme, a été de recueillir, pour leur donner la nourriture et l’instruction, plus de trois cents jeunes Arabes que la guerre avait rendus orphelins, et qui erraient sans asile et sans secours. La cour de Rome, on le sait, a exprimé à plusieurs reprises, « la joie très vive » que lui faisait éprouver la conduite du gouvernement français dans les affaires du catholicisme, et tout récemment, en témoignage de ce bon accord, elle a envoyé un nonce, c’est-à-dire un ambassadeur, à la place de l’inter-nonce, ou simple chargé d’affaires, qui était accrédité près du cabinet des Tuileries depuis 1830.

Nous venons de faire rapidement la part du mouvement catholique dans ce qu’il a généralement de désintéressé, et, en présence de ces faits, on ne peut douter des tendances religieuses de notre époque. Cette foi ressuscitée du XIXe siècle n’est malheureusement pas toujours la foi qui éclaire et qui sauve. À côté des hommes sincères, il y a les hommes de parti ; à côté du catholicisme chrétien, il y a un catholicisme politique, littéraire et mondain, qu’on exploite de plus en plus au profit des intérêts et des passions.

En France, où les instincts sont généreux, on est disposé à oublier le soir même du combat les inimitiés de la veille ; cependant, s’il est toujours noble et digne de pardonner, il est souvent utile de se souvenir, et peut-être avons-nous oublié trop vite la guerre soutenue, pendant la restauration, contre les libertés publiques, par un parti qui couvrait son ambition des intérêts du ciel, et qui voulait regagner en un jour le terrain dont quatre-vingt-neuf l’avait dépossédé. Égaré par des rancunes étroites contre les con-