Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
REVUE DES DEUX MONDES.

misère dans un des pays les plus riches et les plus prospères du monde ! Reste seulement à savoir comment M. Laplagne s’y est pris pour aligner ses chiffres et arriver à l’équilibre. On lui prépare, il peut y compter, un examen sévère et minutieux de son budget. On lui demandera, avec les états des années précédentes à la main, quels sont les revenus dont il estime l’accroissement certain, ou quelles sont les dépenses qu’il entend réellement supprimer ou réduire. Dans ce second cas, on recherchera si la réduction ne porte pas sur une de ces dépenses variables de leur nature qu’on peut augmenter dans le courant de l’exercice par des crédits supplémentaires. Attendons patiemment la présentation du budget. Il est plus d’une question grave sur lesquelles nous aimons à croire que M. le ministre des finances prendra enfin un parti. Pour en citer une, il ne nous est pas donné de comprendre qu’on laisse la rente 5 pour 100 dans l’état de demi-incertitude où elle se trouve depuis long-temps. Elle ne se défie pas assez de son avenir pour ne pas monter un peu ; elle le redoute assez pour ne pas s’élever beaucoup, pour ne pas atteindre et dépasser le taux de 130, ce qu’elle ferait facilement, s’il était décidé en droit ce qui semble établi de fait, à savoir que la rente 5 pour 100 n’est pas remboursable. En attendant, par sa marche incertaine et timide, elle paralyse l’essor de tous les autres effets publics ; elle exerce une influence fâcheuse sur le taux de l’escompte et sur l’intérêt de l’argent ; enfin, en ne permettant pas au 3 pour 100 de prendre tout son élan, elle fait perdre au trésor un bon nombre de millions toutes les fois qu’il contracte un emprunt. Telle est la situation que nous prolongeons à plaisir. Ne dirait-on pas qu’on s’amuse à contrarier le développement naturel de la richesse publique, comme si on voulait voir ce qu’elle peut faire malgré nos fautes et nonobstant toutes les entraves qu’on lui suscite ?

Les hommes qui se préoccupent et s’inquiètent de l’état de nos finances auront aussi à fixer leur attention sur la question des chemins de fer. Il est de mode aujourd’hui d’attaquer le système de la loi de 1842 par cela seul qu’il existe, et que dans les temps de petites passions tout ce qui a été décidé déplaît, tout ce qui est établi devient un sujet d’attaques. Les esprits incapables de concevoir quelque chose d’important et de nouveau s’évertuent à critiquer ce qui est. Si on les écoutait, le gouvernement ne serait qu’une toile de Pénélope ; il tournerait sans cesse dans un cercle vicieux avec une activité parfaitement stérile. La loi de 1842 a admis le concours des compagnies ; inde iræ. Une compagnie, dit-on, se présenterait-elle, si elle ne comptait pas sur un bénéfice ? Voyez les actions d’Orléans et de Rouen. Elles sont fort au-dessus du pair. Donc les loups-cerviers peuvent faire de magnifiques spéculations dans les chemins de fer, donc la loi est détestable. Elle serait excellente, si aucune compagnie ne se présentait, ou s’il était démontré que toute compagnie qui se présente et accepte un cahier des charges court à sa perte. C’est là le fond de la pensée des adversaires du système : tout réunir dans les mains du gouvernement pour exclure l’industrie privée. Laissons à d’autres le soin d’examiner si effectivement l’exploitation des chemins de fer