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droit de l’Espagne et de la Grèce : de l’Espagne, dont les intérêts touchent de si près et par tant de côtés aux intérêts français : de la Grèce, que nous avons, pour ainsi dire, tirée du néant par nos armes, par nos secours, par nos conseils. Mais ce qui a le plus frappé dans le discours de la couronne, et ce qui a excité une approbation qui était presque un applaudissement, c’est la pensée franchement libérale et constitutionnelle qui s’y trouve énoncée. La couronne n’a pas eu pour les deux révolutions de ces paroles réservées et glaciales qui ne sont qu’un blâme mal déguisé et une sinistre prédiction ; elle espère, au contraire, que l’issue de ces évènemens sera favorable aux deux nations, et ses espérances ne sont pas des espérances de contre-révolution et de despotisme, mais des espérances d’ordre et de liberté : le roi Othon à Athènes, comme les cortès à Madrid, ne peuvent pas se tromper sur les désirs et sur les vœux de la France ; la monarchie doit s’affermir par le respect mutuel des droits du trône et des libertés publiques. La couronne ne distingue pas entre la contre-révolution et l’anarchie ; elles sont à ses yeux également dangereuses, également coupables.

Enfin ce n’était pas sans quelque inquiétude qu’on se demandait si le gouvernement énoncerait hautement sa pensée sur la question qui occupe le plus les esprits en ce moment, sur la question de l’instruction secondaire, et si cette pensée serait de nature à rassurer tous les intérêts légitimes et à garantir tous les droits de l’état. Le silence aurait paru une retraite honteuse devant d’injustes et violentes attaques ; des paroles vagues et incertaines auraient attiré à l’administration un reproche non moins sévère ; on aurait dit qu’effrayée des difficultés de la question, et soumise à des influences opposées, elle voulait en quelque sorte s’en laver les mains, et laisser aux chambres le soin de la tirer d’embarras. Ne pas prendre une initiative franche et courageuse sur une question de cette nature, c’eût été renoncer au pouvoir. Le discours de la couronne a dissipé tous les doutes et rassuré les esprits. Rien de plus net, rien de plus ferme que la phrase du discours du trône sur la grande question du jour. On satisfera au vœu de la charte pour la liberté de l’enseignement, mais on y satisfera en maintenant l’autorité et l’action de l’état sur l’éducation publique. Ces expressions ne prêtent pas à l’équivoque. On veut maintenir non-seulement l’autorité, mais l’action de l’état, et cette autorité et cette action ne doivent pas seulement avoir pour objet l’instruction, mais l’éducation publique. Le gouvernement a pu se convaincre par l’accueil qu’on a fait à ces paroles qu’elles n’étaient que l’expression fidèle du vœu national, et que l’opinion est toute prête à entourer de ses faveurs, à fortifier de sa puissance le projet de loi dont le discours de la couronne nous a donné pour ainsi dire la substance.

Les chambres ont commencé leurs travaux, et la chambre des députés a tranché d’abord une grave question personnelle, qui pouvait être funeste à la majorité, et qui pourra peut-être encore avoir pour elle quelques conséquences fâcheuses. Nous voulons parler de la question de la présidence.