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DU MOUVEMENT CATHOLIQUE.

contre l’enseignement de la théologie tel qu’il est constitué dans les facultés et les séminaires. Si M. Carle pouvait être pris au sérieux, il faudrait désespérer de la société ; mais fort heureusement chaque page de son livre est une réfutation de la page qui suit ou de celle qui précède. M. Carle se plaint de la décadence de la discipline ecclésiastique, et je serais disposé cette fois à lui donner raison, car il faut que cette discipline soit bien relâchée pour que de pareils livres n’attirent pas à l’auteur, de la part de l’autorité compétente, un blâme officiel et même une pénitence. En attendant, les pamphlets se succèdent, toujours plus violens, toujours écrits, comme les livres de MM. Védrine et Desgarets, avec du fiel saturé d’eau bénite. Dans le Catéchisme de l’Université, dédié par un montagnard vivarais à tous les Français qui aiment leur patrie et leur religion, on fait interroger les professeurs du corps enseignant par un élève des frères ignorantins, et les professeurs, dûment atteints et convaincus d’immoralité et d’impiété, sont à jamais exclus de la communion catholique, traités d’infâmes blasphémateurs, et rangés parmi les albigeois, les antimariens, les cyrénaïques, les cérinthiens, en un mot parmi les hérétiques les plus pervers.

Nous arrêterons-nous à la Révélation du complot formé pour substituer en France à l’église catholique une église nationale universitaire, écrit anonyme qui sert d’appendice à une apologie du jésuitisme par un homme d’état, ou à la Restauration d’un collége, pamphlet d’un chanoine d’Albi, qui appelle le conseil municipal de cette ville à une révolte officielle contre l’Université ! L’homme d’état et le chanoine sont de l’école de M. Desgarets ; ils crient au scandale et n’ont rien de neuf à nous apprendre. Nous sommes toujours ici sur le terrain de l’exagération, et tout naturellement nous y trouvons M. Veuillot armé de sa Lettre à M. le ministre de l’instruction publique sur la liberté de l’enseignement. Cette lettre est comme la quintessence des articles de l’Univers. Ce qu’on y remarque, ce n’est certes ni la logique, ni l’aménité de la forme, mais un ton menaçant et ouvertement hostile, qui prend chaque jour dans les publications du même genre plus de violence et d’âpreté. À l’origine de la guerre, l’Université seule était mise en cause, on la séparait de l’état ; aujourd’hui, à propos de l’Université, c’est à l’état qu’on s’attaque ; on veut qu’il s’humilie et qu’il obéisse. « Vous avez peur de l’église, dit M. Veuillot, et vous serez forcé de vouloir ce qu’elle veut, car vous ne vivez que parce qu’elle y consent. » M. Veuillot, qui se prend pour l’église, ajoute : « Si l’on essaie de nous résister, je ne sais ce que nous ferons, mais assurément nous ferons quelque chose… Voyez maintenant à nous arracher ce qui nous reste encore, et disposez bien vos mesures, car avec ce reste nous pouvons vous reprendre tout. » Cette fois du moins il n’y a pas de restrictions mentales, et c’est une déclaration de guerre en bonne forme.

Pour les exagérés de l’école catholique, ce n’était point encore assez cependant d’immoler tous les fonctionnaires de l’Université, depuis les membres du conseil royal jusqu’aux simples bacheliers ; il fallait de nouvelles victimes