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DU MOUVEMENT CATHOLIQUE.

lui saurions gré de nous donner quelques détails sur ces pieuses retraites ; mais M. Veuillot ne voyage point pour si peu. Ce qu’il cherche en Suisse, c’est ce que M. de Genoude cherchait en Angleterre, l’abaissement de l’hérésie et le réveil de l’intolérance. Dès que l’auteur se trouve sur terre catholique, à Fribourg, à Einsiedeln, les hymnes, les actions de graces, les poétiques légendes se pressent sous sa plume. Passe-t-il en pays protestant, la scène change, le ciel s’obscurcit, l’orage gronde : on n’entend plus que malédictions et anathèmes. Une perpétuelle antithèse, un sacrifice constant et systématique de la Suisse protestante à la Suisse catholique, voilà tout ce livre. Le néo-catholicisme n’enlève pas seulement l’inspiration aux poètes ; il trouble aussi, et M. Veuillot le prouve, la vue des voyageurs. Que penser après cela d’une tendance qu’on propose comme moyen de régénération littéraire ?

Nous venons d’énumérer bien des échecs, de signaler bien des écarts. Faut-il en conclure que les plumes sérieuses et modérées manquent tout-à-fait au catholicisme ? Non sans doute. Ce qu’il faut reconnaître, c’est que les écrivains qui représentent dignement aujourd’hui l’esprit religieux se tiennent à l’écart de la triste mêlée que nous avons cherché à décrire. Ils savent qu’on ne confondra pas leur piété intelligente avec une exaltation maladive, et ils assistent sans se prononcer à un combat dont le spectacle a dû plus d’une fois les affliger. Ne pourrait-on souhaiter de leur part une intervention plus directe ? Faut-il laisser croire par une attitude trop passive qu’on se sert de certaines plumes sans oser les reconnaître ? Puisque cette attitude n’a pas été comprise, pourquoi n’y substituerait-on pas des avertissemens plus clairs. Pourquoi ne traduirait-on pas en paroles cette protestation du silence, et ne dirait-on pas aux néo-catholique : — Avant de prétendre à faire de la littérature religieuse, tâchez d’arriver à la paix des ames croyantes, attendez que le calme se fasse en vous. L’inquiétude et l’exagération n’ont jamais été les signes de la foi. Tant que la colère sera votre muse, tant que l’intolérance conduira votre plume, vous ne mériterez pas le nom d’écrivains religieux. Bien loin de relever la croyance, vous ne ferez que l’affaiblir ; bien loin d’atteindre à l’inspiration catholique, vous ne serez pas même dans le catholicisme.


Ch. Louandre.


(La suite au prochain no).