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Dans son projet d’adresse, M. Saint-Marc Girardin a tout réuni, et pour ainsi dire tout condensé dans le dernier paragraphe. Le langage y prend une vivacité, une énergie que rien n’atténue ni ne déguise. L’adresse, remarquable jusque-là de calme et de simplicité, s’anime, s’enflamme tout à coup ; on oserait presque dire qu’elle bondit, qu’elle s’élance sur les ennemis de la dynastie et de la révolution de juillet. « Oui, sire, votre famille est vraiment nationale. Entre la France et vous, l’alliance est indissoluble. Vos sermens et les nôtres ont cimenté cette union. Les droits de votre dynastie demeurent placés sous l’impérissable garantie de l’indépendance et de la loyauté de la nation. La conscience publique flétrit de coupables manifestations. Notre révolution de juillet, en punissant la violation de la foi jurée, a consacré la sainteté du serment. » On dirait presque un langage de tribuns, mais de tribuns fidèles, courageux, dévoués. Cela rappelle la formule du grand justicier d’Aragon : Sinon, non. Le non pour la dynastie qui a violé la foi jurée a été prononcé sans retour par le pays, et malheur à ceux qui auraient la prétention d’annuler le verdict national, et oseraient attenter aux droits, révoquer en doute la légitimité de la dynastie que la France a placée sur le trône, et qui tient, elle, ses sermens. Les manifestations du parti légitimiste sont, aux yeux de la commission, de coupables manifestations. Cette culpabilité n’est pas seulement dans l’avenir, mais dans le présent ; elle n’est pas une conjecture, mais un fait avéré, et ces coupables manifestations, la conscience publique ne les repousse pas seulement, elle les flétrit. Ce sont là de rudes paroles et qui ne laissent rien à deviner. Il faudrait être bien sourd pour ne pas comprendre.

À la chambre des pairs, la discussion de l’adresse n’a occupé qu’une séance. M. le duc de Richelieu a donné à la chambre quelques explications ; tout en regrettant que le noble pair ait rendu ces explications nécessaires, la chambre avait pu les accepter et s’en contenter. Le débat allait tomber, lorsque M. de Vérac, qui n’a pas figuré à Belgrave-Square, a voulu néanmoins rompre une lance, sans doute pour avoir le plaisir d’entendre un discours de M. Guizot. Le courage de M. de Vérac n’a pas trouvé d’imitateurs. Le combat s’est terminé faute de combattans, et M. de Broglie ayant demandé le vote distinct sur la phrase relative aux démonstrations des légitimistes, et dont M. de Vérac avait proposé la suppression, la phrase a été maintenue à l’unanimité, moins deux voix.

Sur tous les autres points de l’adresse, il n’y a pas eu de discussions importantes. Une seule addition a été proposée et adoptée par la chambre : c’est l’amendement de M. le duc d’Harcourt concernant la Pologne. La commission n’avait rien proposé mais, loin de combattre l’amendement, les membres de la commission ont contribué, par leurs suffrages, à former la majorité qui l’a adopté.

On doit regretter que la discussion de l’adresse n’ait pas eu à la chambre des pairs plus de développement et plus de corps. Si c’est un abus que l’ex-