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qu’un jeu de l’esprit. Qu’on lise attentivement le titre iii du projet, et l’on verra que le régime y est absolument le même pour toutes les maisons de travaux forcés, de réclusion et d’emprisonnement. En effet, dans les unes comme dans les autres, les détenus doivent être séparés (art. 2) pendant le jour et pendant la nuit ; chaque détenu doit être renfermé dans un lieu suffisamment sain, spacieux et aéré (art. 22) ; le produit du travail des condamnés appartient à l’état (art. 24) ; les condamnés pourront être autorisés à recevoir les visites de leurs parens et des membres des associations charitables, etc. (art. 28) ; deux heures par jour seront réservées pour l’école, pour la lecture et pour les visites (art. 29) ; les condamnés septuagénaires ou ceux qui auront subi, pendant douze ans consécutifs, la torture de l’emprisonnement solitaire, seront séparés pendant la nuit et employés en commun et en silence pendant le jour (art. 33). La seule différence admise par le projet entre les condamnés consiste en ceci que, dans le cas où il conviendrait à l’administration de remettre aux détenus une partie des produits de leur travail, cette somme ne pourra excéder les trois dixièmes pour les condamnés aux travaux forcés, et les cinq dixièmes pour les condamnés à l’emprisonnement. Je me trompe, il est dit encore, à l’article 13, que les condamnés aux travaux forcés seront employés aux travaux les plus pénibles. Mais que signifie cette réserve dans un système qui n’autorise que le travail en cellule, et qui exclut par conséquent la sape, la charpente, la coupe des pierres, les terrassemens, ainsi que le transport des fardeaux ?

On le voit, le système du projet est bien réellement celui de la peine unique, et cette peine est l’emprisonnement solitaire ou pensylvanien. La commission, nous le savons, a la prétention de faire autre chose que ce qui a été fait à Philadelphie ; M. le rapporteur annonce qu’elle a dépouillé l’emprisonnement individuel des rigueurs inutiles dont on l’avait entouré, et qu’elle ne se propose pas tant « de mettre le détenu dans la solitude que de le placer à part des criminels. » Voilà pour le programme ; interrogeons cependant les réalités. De quelle manière s’y prend la commission pour interrompre la solitude qui est l’effet inévitable de l’emprisonnement séparé ? Elle décide que le condamné pourra recevoir des visites, que la lecture et l’enseignement feront partie de son régime quotidien. Mais les mêmes règles se pratiquent à Philadelphie, où les condamnés ont aussi des livres et sont visités par le directeur de la prison, par les gardiens, par l’instituteur moral et par les inspecteurs, sans que ces communications fréquentes atténuent la funeste influence exercée par la solitude sur la santé ni