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Ainsi, le nombre des récidives aux États-Unis, en Écosse et dans le canton de Vaud, est tout aussi considérable que dans les pays, comme la France, où la réforme pensylvanienne n’a pas encore pénétré. Doit-on en conclure que l’emprisonnement solitaire n’intimide point les criminels ? Nous sommes fort éloigné de le penser. Cette peine, en se prolongeant, brise tout ensemble la vigueur physique et l’équilibre de l’esprit ; il est impossible que l’on ne redoute pas un châtiment qui agit sur l’organisme avec une telle puissance de destruction. Néanmoins la terreur est une impression trop vive pour être durable : elle s’efface avec le temps ; puis, comme nous l’avons dit ailleurs, les hommes craignent aussi la peste, ce qui ne les empêche pas de trafiquer avec les pays qui en sont le foyer.

On se fait une déplorable illusion, si l’on imagine que l’intimidation, dans l’ordre pénal, puisse tenir lieu de tous les principes. Il ne sert de rien d’effrayer les coupables, quand on néglige en même temps de corriger leurs mauvais penchans et de les mettre, après leur libération, à l’abri des occasions de mal faire qui viennent les assiéger. Nous dirions volontiers de la détention, quand elle n’a pas d’autre principe que la terreur, ce que l’on a dit des religions fondées uniquement sur la crainte. Le judaïsme n’a jamais fait de conquêtes, il ne s’est pas répandu comme le polythéisme dans les premiers temps et comme le christianisme plus tard. Il est resté la croyance d’une tribu que ce culte isole encore du monde entier.

Les dispositions du projet de loi montrent que l’on s’est préoccupé à l’excès du danger des communications entre les détenus. Est-il possible de les prévenir, même en appliquant le système pensylvanien avec la dernière rigueur ? Le gouvernement et la commission n’hésitent pas à le penser, mais les faits démentent cette supposition. À Philadelphie, en 1835, les détenus, en communiquant entre eux par les conduits qui aboutissent à chaque cellule, avaient concerté une insurrection générale ; l’esprit de révolte s’était fait jour à travers toutes ces doubles portes et à travers tous ces doubles murs. À Glasgow, une partie des femmes travaillent en commun ; quant aux enfans, on est obligé, pour leur donner un peu d’exercice, de les réunir chaque jour dans les galeries. À Pentonville, malgré les masques dont on couvre la figure des détenus, ils se reconnaissent mutuellement en travaillant à la pompe, et ils causent ensemble en se rencontrant dans le trajet des cellules aux préaux.

Les communications sont inévitables entre détenus. Au lieu de chercher à y mettre obstacle, il vaudrait mieux les faire tourner à bien, comme il est arrivé à Millbank, où des prisonniers ont appris de