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de longs et sérieux rapports sur ces matières pleines d’intérêt. Les débats sont ouverts ; de leur côté, les planteurs de Bourbon ont envoyé un délégué à l’île de France pour y chercher des argumens contre les tendances abolitionnistes de l’Europe. En attendant, le nègre de pioche est coté, comme dans les autres colonies, au prix de 1,500 francs environ.

Saint-Denis a un collége royal dans lequel cent cinquante élèves environ reçoivent une instruction pareille à celle que l’Université donne à la jeunesse française. Outre les maîtres d’usage, cette institution renferme un professeur de droit et un instructeur militaire ; six bourses dans les colléges et les écoles spéciales de la métropole sont accordées à la colonie, au profit des élèves qui les ont méritées par leur zèle et leurs succès. L’instruction primaire est confiée tant à des instituteurs (appartenant quelquefois à la classe des hommes de couleur libres) qu’aux frères des écoles chrétiennes. Les sœurs de la congrégation de Saint-Joseph distribuent en grande partie l’enseignement aux jeunes filles. Ces dames ont aussi une maison à Pondichéry, et leurs services dans l’Inde ont été si bien appréciés, que la ville de Madras les a accueillies, et la capitale du Bengale les a demandées. La justice est administrée par une cour royale, deux cours d’assises et deux tribunaux de première instance ; six juges de paix résident dans les principaux quartiers de l’île. En dehors de l’administration judiciaire et politique, il s’est formé dans la colonie des associations charitables destinées au soulagement des familles pauvres, car il y a de la misère même dans les pays où les besoins sont le moins multipliés. Les petits blancs, il faut bien le dire, montrent une extrême répugnance pour le travail manuel, qui, d’après leurs préjugés, les assimilerait aux noirs. Ainsi, l’esclavage est une des causes pour lesquelles l’industrie reste languissante dans l’île, ceux qui devraient être les meilleurs ouvriers fuyant par instinct les ateliers et repoussant toute apparence de sujétion.

La garnison, qui ne consistait qu’en deux compagnies d’artillerie, une demi-compagnie d’ouvriers et un demi-bataillon du deuxième régiment de marine[1], a été augmentée en 1841, dans la prévision des évènemens à venir ; ce sont les soldats eux-mêmes qui ont défriché le terrain et préparé les baraques pour leurs compagnons attendus.

  1. Quand un petit roi de la côte de Madagascar, forcé par les Hovas de fuir son pays, mit sous la protection de la France l’île de Nose-Bey, sur laquelle il s’était réfugié, on envoya, pour garder le pavillon, un détachement de la garnison de la colonie.