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DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

glaises ; ils sont liés avec l’Angleterre par la communauté d’origine, de religion, de langue : cependant on n’entend pas dire que les États-Unis soient ou ambitionnent d’être en intimité avec l’Angleterre. Il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, d’aller consulter des exemples ; il suffit d’écouter le simple bon sens. Dans des alliances sérieuses, on a en commun des intérêts sérieux, on poursuit ensemble des résultats importans : pour atteindre ces résultats, on désire naturellement trouver dans ses alliés le plus de force possible, afin que l’alliance ait la plus grande efficacité possible ; et tant que l’alliance dure, on ne répugne pas, on concourt même avec plaisir à accroître leurs forces. Ce désir mutuel, cette bienveillance réciproque, entrent évidemment pour beaucoup dans la signification des mots entente cordiale. Si l’on veut prouver à la France qu’elle doit vivre avec l’Angleterre dans cette entente cordiale, il faut lui indiquer sur quel point elle doit aider l’Angleterre à s’accroître. Nous faisons, comme l’Angleterre, de l’industrie et du commerce, nous sommes, comme l’Angleterre, une puissance maritime : il est vrai que nous faisons moins d’industrie et de commerce qu’elle, et que nos marines marchande et militaire sont inférieures aux siennes ; est-ce pour cela que nous devons souhaiter à l’Angleterre un accroissement de forces, et, si nous voulons être conséquens dans l’entente cordiale, que nous devons même l’aider à l’obtenir ? Je laisse résoudre cette question par nos industriels, par nos négocians, par nos braves marins. J’observe seulement que, s’ils pouvaient y répondre affirmativement, il y a apparence que notre ministre aurait signé le traité de commerce que sir Robert Peel lui demandait l’année dernière, que le traité du droit de visite aurait été ratifié, que lord Aberdeen n’aurait pas à subir les importunes sollicitations de M. Guizot pour l’abrogation des conventions de 1831 et 1833. Il y a plus et je comprends que ceci ne peut être dit par les hommes d’état qui sont ministres aujourd’hui, par ceux qui seront ministres demain : s’il y a des raisons qui ne permettent pas à la France d’aider l’Angleterre à accroître ses forces, les mêmes raisons lui feront toujours voir avec plaisir ces forces diminuer ; les mêmes raisons lui défendront d’adopter dans ses rapports avec le royaume-uni un système qui pût prévenir cette diminution. C’est une question délicate, mais très simple. Je ne doute pas que la France ne fût enchantée de rendre des services à l’Angleterre, si c’était un moyen de s’en rendre de considérables à elle-même ; mais dans une situation donnée (et nous allons voir si telle n’est pas la situation présente), si l’Angleterre traversait une crise d’où sa supériorité dût sortir amoindrie, la France devrait bien prendre