Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/518

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
514
REVUE DES DEUX MONDES.

la domination anglaise que celle qui règle aujourd’hui les rapports de l’Irlande avec la Grande-Bretagne. Déjà les exportations de l’Angleterre pour ses colonies forment le tiers de ses exportations totales. L’extension de ce commerce augmenterait évidemment les revenus de l’industrie métropolitaine. L’accroissement de la puissance du travail dans les pays qui cherchent à rivaliser avec l’industrie anglaise augmente l’intensité de la concurrence ; elle y réduit la valeur des produits manufacturés de l’Angleterre par rapport aux produits bruts que ces pays lui fournissent. Lorsque cet accroissement a lieu dans les colonies anglaises qui possèdent des ressources agricoles encore inexploitées, l’industrie métropolitaine n’a à craindre aucune concurrence ; au contraire, elle reçoit de ces colonies des produits bruts dont le prix est réduit par rapport aux produits fabriqués anglais. L’accroissement du commerce colonial est donc à l’abri de la pression exercée par les concurrences étrangères et les tarifs hostiles ; il présente un autre avantage d’une grande importance, il adoucit la concurrence intérieure et prévient la production disproportionnée. C’est dans l’accroissement du commerce colonial que l’Angleterre, selon M. Gladstone, doit chercher un remède à l’intensité de la compétition intérieure qui, indépendamment de toute autre cause, a diminué et diminue les revenus de l’industrie. Toutes les fois que le commerce colonial s’étend, une portion du capital et des travailleurs métropolitains passent aux colonies ; ce déplacement éclaircit en Angleterre le champ du travail et empêche la production disproportionnée, puisqu’il diminue l’offre du travail, tandis qu’il en accroît la demande. Il semble donc que le remède le plus efficace et le plus convenable pour parer aux désordres du système économique de l’Angleterre serait une translation, une émigration progressive des capitaux et des travailleurs du royaume-uni aux colonies. Le transport des capitaux et des travailleurs du royaume-uni dans les colonies, surtout sous un régime de liberté commerciale absolue entre la métropole et ses dépendances, doit être beaucoup moins difficile que leur émigration dans les pays étrangers. Plus il sera rendu facile, et plus la tendance à la production disproportionnée diminuera. Le jour où les capitaux et les travailleurs pourront aller aussi facilement de l’Angleterre aux colonies qu’ils vont aujourd’hui de Londres dans le Lancashire, ce jour-là voici ce qui arriverait : une portion considérable des capitaux et des mains qui cherchent maintenant à s’employer dans les districts manufacturiers, où ils augmentent la production des marchandises manufacturées et le besoin des matières brutes, seraient transférés dans les parties incultes des