Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
521
DE LA QUESTION COMMERCIALE EN ANGLETERRE.

des mesures suggérées par M. Gladstone ; qu’on juge des résultats dont elles seront suivies, si elles sont appliquées non-seulement en Afrique, mais au Canada, dans la Terre-Neuve, dans la Nouvelle-Hollande. Ce plan, généralement et promptement réalisé, neutraliserait sans doute les causes profondes de détresse dont l’action lente, mais continue, mine la situation économique de l’Angleterre. M. Gladstone a raison de dire que l’Angleterre atteindrait alors à un degré de prospérité et de puissance sans exemple jusqu’à ce jour, et que, par elle et avec elle, la civilisation chrétienne couvrirait la terre comme les flots couvrent la mer. Je comprends qu’enivré par cette éblouissante perspective, il termine cette belle et profonde étude sur les besoins de son pays par ce cri éloquent : « À tes vaisseaux, ô Angleterre ! lève-toi et remplis les desseins des cieux ! »

Je ne sais, monsieur, ce qui adviendra des prévisions ou plutôt des vœux de M. Gladstone ; il ne me paraît pas que la France ait la moindre raison de désirer que ces vœux soient satisfaits. Je ne peux, je l’avoue, me défendre d’une vive émotion, en voyant les vaillans efforts du peuple anglais aux prises avec les nécessités qui le pressent ; ce sentiment me conduit à l’admiration et à une sorte de sympathie personnelle pour ces hommes d’état qui, s’assimilant avec un admirable patriotisme les intérêts de leur pays, ne cessent pas un instant d’être à la hauteur du rôle qui leur a été assigné dans ce drame imposant par la fécondité et l’étendue de leurs vues, par l’intrépidité et l’énergie de leurs résolutions. Mais leurs ambitions avouées ne tardent pas à me rappeler les dangers qu’elles suspendraient sur la France, si le succès les couronnait, tandis que l’ardeur même de leurs efforts me signale les difficultés dont la France peut et doit se servir pour empêcher ce succès. L’Angleterre s’apprête à de grandes mesures : les progrès des nations civilisées qui ont compris, éclairées par un instinct qui n’est pas trompeur, que l’indépendance politique est solidaire de l’indépendance commerciale et industrielle, lui ferment les marchés ; pour remplacer ces marchés, elle va tenter d’en enfanter elle-même de nouveaux. Dans ces circonstances, quelle attitude doivent prendre ces nations, et la France en première ligne ? Qui osera dire que ce doive être celle de la cordiale entente, que nous devions aider les Anglais « à couvrir la terre de leurs colons, comme les flots couvrent l’océan ? » Je ne crois pas, monsieur, qu’il fût plus convenable d’entraîner les luttes qui se décident par le canon mais il me semble que, pour faire avorter ces projets, la marche que ces nations ont à suivre leur est indiquée par la situation, et n’est rien moins que difficile : il s’agit simplement