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de troupes blanches. Or, comme c’est des soldats européens que dépend le sort de l’Inde, la puissance anglaise est sérieusement menacée du jour où la fantaisie prendra à un conquérant du Nord d’envoyer ses légions par la route que suivit Alexandre. Alors, mais trop tard, la compagnie regretterait d’être seule sur le continent asiatique, sans voisin qui puisse faire cause commune avec elle. Il est donc temps qu’elle cesse de s’attirer la haine des indigènes et l’indignation de l’Europe par sa politique révoltante, et que l’Angleterre, de son côté, s’attache à ne pas éteindre le dernier germe de sympathie dans le cœur des peuples qui devraient être ses alliés naturels.

Il est difficile d’ailleurs d’apprécier ici la quantité et la valeur de tous les matériaux que renferme l’ouvrage de M. de Warren. Voyageur, il raconte ce qu’il a vu ; militaire, il déroule le tableau de l’organisation des armées dans lesquelles il a servi avec zèle et dévouement, non sans quelque part de gloire ; quitte envers son drapeau, il raisonne sur les faits, déduit l’avenir du présent. Il y a sur ce dernier point une distinction à faire : révéler ce qu’une position exceptionnelle a pu nous amener à découvrir, dévoiler des secrets, c’est trahir ; publier ce que l’on a appris au grand jour, en compagnie de toute une armée, ce qui est consigné dans les annales d’un gouvernement, c’est écrire l’histoire. Enfin, avec les notes recueillies sur sa route, tracer un journal, et des évènemens observés tirer des conséquences, c’est user de son droit. Si cet ouvrage excite quelques murmures de l’autre côté de la Manche, la faute n’en est pas à l’auteur, mais au gouvernement de l’Inde, qui ne peut guère apparaître aux yeux de l’Europe, dans la nudité de sa politique, sans honte et sans remords.


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