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ment destinée au service spécial de la tour. Le huitième étage renferme des vases à huile, des verres, des lampes de rechange, puis quelques beaux instrumens destinés aux observations météorologiques, un thermomètre, un baromètre, un chronomètre. Ici se termine l’escalier que nous venons de gravir, et sa cage est fermée par une voûte plate que supporte un mince pilier. Pour nous élever plus haut, il faut monter cette échelle de fonte, et nous arrivons dans la chambre de quart où chaque nuit veille un des gardiens. Vous jetez autour de vous des regards de surprise, vous ne comprenez rien à ces revêtemens, à ces incrustations de marbres de diverses couleurs qui couvrent la voûte, les murs, le parquet lui-même. Ce luxe, qui vous semble si fort hors de sa place, n’est pourtant que de la nécessité. L’appareil d’éclairage pénètre dans la chambre où nous sommes par une ouverture circulaire du plafond. Dès-lors une propreté minutieuse devenait nécessaire et ne pouvait s’obtenir qu’à l’aide de ces surfaces parfaitement polies. Franchissons enfin cette dixième et dernière série de marches. Nous voici sous la coupole, et vous avez sous les yeux un de ces magnifiques présens que la science fait de temps en temps aux hommes comme pour répondre à cette question décourageante qu’on lui adresse si souvent dans le monde : — À quoi bon ? — Vous voyez l’appareil d’éclairage d’un phare de premier ordre à feu fixe. Ici je crois que quelques explications deviennent nécessaires pour vous faire comprendre la destination et l’effet des diverses parties d’un instrument, où vous n’apercevez d’abord qu’une sorte de grand tonneau de verre dont les cercles seraient figurés par des prismes de la même substance, et qui porterait en dessus comme en dessous des espèces de jalousies formées de plusieurs rangs de petites glaces inclinées.

Bien plus adonnés à la navigation qu’on ne le croit d’ordinaire, les anciens avaient reconnu dès la plus haute antiquité la nécessité de signaux qui pussent indiquer aux marins les dangers à éviter, les passages où pouvaient s’engager sans crainte leurs petits navires toujours à portée des côtes. De la mer Noire à l’Océan, presque tous les promontoires étaient surmontés d’autels, de colonnes, de tours d’où s’échappaient pendant le jour des tourbillons de fumée, dont les feux guidaient les matelots pendant la nuit. Presque toujours ces phares antiques étaient en même temps des temples consacrés à quelque divinité dont ils prenaient le nom. Les prêtres qui les desservaient étaient les astronomes de ces temps reculés, et donnaient aux navigateurs des renseignemens pour parcourir les côtes voisines. Quelques savans de