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sentatif rentrait dans sa situation normale, celle où la majorité ministérielle rencontre en face d’elle une minorité fortement constituée et qui a pour organes ses orateurs et ses hommes d’état principaux.

Il faut pourtant en convenir, cet évènement, tout important qu’il fût, n’eût pas suffi pour ébranler en peu de jours le ministère, si, par une coïncidence singulière, au moment où l’opposition rentrait en campagne avec toutes ses forces, le ministère n’était venu lui-même en aide à l’opposition. Je n’ai pas besoin de dire que le que le premier secours qu’il lui porta fut au sujet de la dotation.

Je suis, je dois le déclarer d’abord, de ceux qui n’attachent pas une grande importance aux lois de cette nature. Je suis de ceux qui pensent que le pays pourrait mieux placer son esprit de résistance, et que, depuis trois ans notamment, il a laissé passer sans opposition des actes bien plus fâcheux ; mais, en même temps, quand à deux reprises déjà l’opinion publique s’est si vivement prononcée, j’ai peine à comprendre qu’on pense encore à lui faire violence pour un si médiocre intérêt. Si pourtant les ministres étaient d’un autre avis, ils avaient une autre conduite à tenir, c’était de prendre la loi à leur compte, et de n’en rejeter sur personne l’impopularité. C’était, en un mot, de déclarer hautement à leurs amis qu’ils voyaient dans cette loi une condition indispensable de l’établissement monarchique, et qu’on ne pouvait la rejeter sans voter en même temps contre le cabinet. Peut-être une telle conduite n’était-elle pas la plus sage, la plus prudente ; on ne pouvait du moins lui refuser d’être honorable et constitutionnelle. Dans l’état actuel des partis, il est même assez probable que le succès l’aurait récompensée.

Quoi qu’il en soit, je le répète, il fallait choisir entre deux dangers, entre deux courages. Au lieu de cela, qu’a-t-on fait ? Le voici. Là où la dotation plaisait, on s’est engagé, formellement engagé à la présenter dans un assez court délai. Là où la dotation déplaisait, on s’en est justifié, excusé, en alléguant une prétendue nécessité peu constitutionnelle ! Les ministres peuvent, si cela leur convient, nier que les choses se soient ainsi passées. Il n’est pas un député qui, dans la salle des conférences, n’ait recueilli de la bouche de leurs amis les plus intimes des confidences telles que celle-ci : « C’est sans doute un grand malheur que la dotation soit présentée, et les ministres le sentent mieux que personne ; mais ils ne peuvent pas faire autrement. » Puis cela dit, on entrait dans des détails, dans des explications qu’il ne convient pas de répéter. Ainsi, un ministère qui se dit parlementaire se donnait naïvement comme dominé par une autre volonté que la