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et de tous les jeunes membres du parti modéré. C’est toute une légion, parfaitement disciplinée déjà, d’économistes, de journalistes et d’écrivains, qui a pour chefs MM. Gonzalès-Bravo, Mazzaredo, le ministre actuel de la guerre, Gonzalo Moron, un des plus habiles publicistes de la Péninsule ; deux rédacteurs de l’Heraldo, MM. Sartorius et Zaragoza, et MM. Portillo, Carriquiri, Roca de Togorès, etc. Depuis l’affaire Olozaga, le centre ne se distingue plus de la droite, où siègent les vieilles gloires parlementaires mais que mènent en réalité des hommes jeunes encore, MM. Pidal, Olivan, Castro y Orozco, Domoso-Cortès. La jeune Espagne ne se borne point à soutenir le cabinet au congrès ; chaque jour, à toute heure, elle fait pour lui une active propagande à Madrid, à Valence, à Barcelone, à Grenade, dans toutes les grandes villes de la Péninsule. — Le cabinet Bravo avait pour lui, on le voit, une majorité dévouée et compacte. Comment donc a-t-il pu se séparer du congrès et se placer en dehors du gouvernement représentatif ?

Le moment n’est pas encore venu de se prononcer définitivement sur l’insurrection d’Alicante et de Carthagène ; mais, tant qu’elle ne se sera point communiquée aux places fortifiées de l’intérieur, elle n’aura rien dont on doive sérieusement s’alarmer. Par la position qu’elle occupe dans l’armée, dans l’enseignement public, dans la presse, la jeunesse espagnole pourrait seule imprimer aux pronunciamientos un élan irrésistible, et ce sont principalement les ardentes sympathies de la jeunesse qui font la force du cabinet Gonzalès-Bravo. La mort de doña Carlotta a porté un rude coup à la cause progressiste. Les exaltés comptaient sur les anciens et profonds mécontentemens de cette princesse, qui, de sa vie, n’avait reculé devant les moyens extrêmes : on se souvenait que, dans les cortès, l’infant don François de Paule votait ouvertement avec le parti républicain à l’époque où il y avait un parti républicain en Espagne. Et d’ailleurs, est-ce bien aux exaltés qu’il faut imputer le dernier mouvement ? Depuis 1833, il ne s’est pas constitué un seul gouvernement à Madrid contre lequel n’aient protesté les villes maritimes de l’Andalousie ; mais ce n’était point d’intérêts ou de passions politiques qu’il s’agissait le plus souvent. Il suffisait qu’à la faveur des troubles on put, pendant quelques mois, se livrer sans la moindre gêne à la contrebande effrontée qui en toute saison se pratique sous la protection du canon anglais de Gibraltar. En ordonnant l’arrestation d’un vice-président du congrès et de cinq autres membres du parlement, le cabinet Bravo a fait un pas de plus dans cette voie de l’arbitraire où il s’était engagé par l’ajournement indéfini des cortès. Des soupçons graves se seraient élevés contre M. Madoz et ses amis, qu’ils n’auraient pu justifier une si violente mesure. Depuis le mois de décembre, et notamment depuis les derniers débats de l’adresse, M. Guizot exerce en Espagne une notable influence ; des relations étroites se sont établies entre les deux cabinets de Paris et de Madrid. Par ses derniers rapports avec M. Arguelles et quelques autres adversaires déclarés du ministère, M. Bulwer a publiquement témoigné son dépit de la déférence marquée dont M. Bresson est l’objet. Comment donc se fait-il que