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son adhésion peut être d’avance considérée comme obtenue. On assure même que les amis les plus dévoués du ministère ont laissé sur ce point pressentir très clairement ses intentions.

La proposition de M. de Rémusat fournira bientôt une occasion nouvelle aux débats politiques. La question des incompatibilités, qui touche au sein de la chambre à un si grand nombre d’intérêts privés, n’était peut-être pas la plus favorable que l’opposition pût choisir, et la portée plus limitée de la proposition introduite l’année dernière par l’honorable M. de Sade lui aurait donné des chances plus assurées. Celle-ci, n’exerçant aucun effet rétroactif sur les membres de la législature actuellement revêtus de fonctions publiques, faisait tomber l’objection sinon la plus grave, du moins la plus spécieuse, celle de rendre une dissolution inévitable. Nous croyons que le cabinet n’a pas été bien inspiré en faisant dans les bureaux d’aussi grands efforts pour s’opposer à la lecture, car cette première manifestation l’oblige à combattre à outrance la prise en considération, et donnerait dès-lors à celle-ci, si elle venait à être prononcée par la chambre, une portée difficile à mesurer. Cette discussion, fixée par la chambre à mercredi prochain, sera, du reste, dominée par le grave incident relatif à M. de Salvandy. Or, les faits qui s’y rapportent sont encore trop imparfaitement connus pour qu’il soit possible de préjuger sur ce point les dispositions de l’assemblée. On assure que, si l’épreuve est favorable au ministère, il s’empressera de présenter la demande des fonds secrets ; il fera bien d’en agir ainsi dans l’intérêt de sa consolidation.

Les fautes accumulées pendant le cours d’une semaine fatale, les conséquences immédiates de ces fautes mêmes, quant aux hommes et quant aux choses, ont créé pour le ministère et pour la chambre une situation qui rend urgente l’épreuve d’un débat parlementaire et d’un vote d’adhésion. Les affaires sont, à bien dire, suspendues par l’incertitude des esprits, et cette position n’est pas moins mauvaise pour le parlement, qui hésite dans sa confiance, que pour le pouvoir, qui ne puise sa force morale que dans la perspective de sa durée. Le vote sans amendement du dernier paragraphe de l’adresse a, dans le sein de la majorité la plus sincèrement dévouée à la monarchie de 1830, contrarié beaucoup d’instincts et compromis un assez grand nombre de situations électorales. Le résultat numérique de ce vote lui-même et les chances imprévues qu’il a révélées ont d’ailleurs rendu les convictions plus flottantes et les dévouemens moins chaleureux. C’est dans cet état de choses que la démission donnée et maintenue par M. de Salvandy est venue inquiéter des consciences, susciter des scrupules, donner enfin une force grande et soudaine aux argumens de l’opposition contre le grand nombre de fonctionnaires députés. L’hostilité de l’ancien ministre du 15 avril serait déjà un fait sérieux, car il compte au sein du parti conservateur quelques amis fort connus, qui ne sauraient l’abandonner lorsqu’il se trouve atteint pour un vote auquel plusieurs d’entre eux ont pris part. Cette scission serait