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ESSAIS D’HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

étroit, la conscience facile, étaient également hors d’état, soit de lui faire obstacle, soit de lui prêter un appui efficace.

Peu à peu une coalition formidable s’était organisée contre lui dans le sein du parlement. Au petit nombre de jacobites qui avaient trouvé moyen d’y pénétrer, aux tories qui, sous la direction de sir William Wyndham, y formaient depuis long-temps la masse de l’opposition, s’étaient joints les whigs dissidens, parmi lesquels William Pulteney et lord Carteret occupaient le premier rang. Ces derniers, moins nombreux que les tories, compensaient cette infériorité par une force morale qui manquait à leurs alliés. Leurs noms, signalés par de nombreux services rendus à la cause de la liberté et de la nouvelle dynastie, devaient rallier bien des mécontens qui eussent craint de s’unir aux champions exclusifs de la prérogative royale. La coalition ainsi formée était animée de cette confiance absolue que ressentent d’ordinaire les partis depuis long-temps éloignés du pouvoir, lorsqu’ils commencent à entrevoir la possibilité de le ressaisir, lorsque le souvenir de leurs fautes passées est assez éloigné pour ne plus gêner et embarrasser leur marche au milieu de circonstances toutes différentes, lorsqu’enfin l’action du temps, en les renouvelant, a amené dans leur sein un grand nombre d’hommes étrangers aux déceptions comme aux rancunes du passé et par conséquent accessibles encore à ces illusions généreuses, à ces espérances illimitées que détruit si promptement le contact des affaires. Mettre fin au système de corruption qui asservissait le parlement aux volontés du ministre, remplacer dans les rapports extérieurs, par une politique plus fière, plus digne, plus conforme aux intérêts permanens et aux alliances naturelles du pays, la politique timide et exclusivement pacifique de Walpole, tel était le double but que se proposait la coalition. En tout temps, dans tous les pays, c’est sur un semblable terrain que les coalitions de partis se sont formées. De pareils griefs, vrais ou simulés, sont en effet les seuls qui puissent réunir contre un gouvernement des partis intérieurs divisés de tendances et de principes.

C’est au milieu des whigs dissidens que William Pitt prit place en entrant à la chambre des communes. Ses relations personnelles, comme la direction naturelle de son esprit et de son caractère, l’appelaient nécessairement de ce côté. Il y avait déjà plusieurs mois qu’il siégeait au parlement, lorsque, le 29 avril 1736, il y prit pour la première fois la parole à l’appui d’une motion de Pulteney, qui avait proposé une adresse au roi à l’occasion du mariage du prince de Galles. Rien, dans ce qui nous a été conservé de ce discours, n’offre la trace d’une pensée