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tant pour réveiller dans la nation anglaise ses vieux sentimens d’affection pour la cour de Vienne et sa jalousie invétérée contre la France. Ce n’est pas ici le lieu de raconter les négociations compliquées qui, après quelques vicissitudes, sauvèrent l’Autriche, déjà à moitié délivrée par la bravoure de ses populations, enlevèrent à la France presque tous ses alliés, la réduisirent momentanément à une pénible défensive, et transportèrent le théâtre de la guerre des bords du Danube à ceux du Rhin et de l’Escaut. Il suffira de dire que le roi George II, toujours dirigé par sa pensée dominante, eut encore le malheur, alors même qu’il entrait dans la pensée du pays en secourant Marie-Thérèse, de blesser les susceptibilités et d’éveiller les défiances nationales par la nature des dispositions qu’il prit à cet effet. Allié de la reine de Hongrie en sa double qualité de roi d’Angleterre et d’électeur de Hanovre, il imagina de faire passer à la solde britannique seize mille hommes de troupes hanovriennes qui devaient être employés à garder les Pays-Bas autrichiens. Cette combinaison, à laquelle lord Carteret donna son assentiment et son appui avec un zèle d’autant plus méritoire aux yeux du roi que les autres ministres n’y étaient pas aussi favorables, rencontra dans l’opinion une opposition très vive. On pensa généralement qu’elle était moins conçue dans l’intérêt de l’Angleterre et de l’Autriche que dans celui du Hanovre, qui y trouvait l’avantage d’entretenir son armée aux dépens du trésor britannique, et de faire, sans obérer ses finances, une guerre dont il recueillerait les avantages éventuels.

Pitt, toujours empressé à saisir, dans les questions politiques, le côté national, ne laissa pas échapper une aussi belle occasion d’augmenter sa popularité. Lorsque la chambre des communes eut à délibérer sur le bill qui demandait les fonds nécessaires pour l’entretien des troupes hanovriennes, il attaqua avec une grande force la mesure adoptée par le cabinet. Il s’attacha à prouver que, sous aucun rapport, elle n’était propre à atteindre le but important vers lequel elle semblait dirigée ; qu’en destinant les auxiliaires à défendre les Pays-Bas que rien ne menaçait alors, tandis que l’Autriche était assaillie au centre de sa puissance, on avait évidemment obéi à une arrière-pensée ; que le Hanovre, obligé par les traités à secourir la reine de Hongrie, n’avait pas le droit de se faire indemniser par l’Angleterre de l’accomplissement d’une obligation conforme, d’ailleurs, à ses intérêts les plus évidens. Récapitulant avec une amère ironie les accusations souvent lancées par l’opposition contre ce qu’il ne craignit pas d’appeler une partialité ridicule, ingrate, perfide pour les