Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 5.djvu/758

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
754
REVUE DES DEUX MONDES.

gnards, si cruellement traités après la bataille de Culloden et placés depuis lors sous le poids d’une surveillance dont la rigueur ne pouvait que prolonger leur hostilité furent profondément touchés de la confiance qu’on leur témoignait en les faisant ainsi concourir à la défense de la cause commune. Par l’effet de cette inspiration hardie du génie de Pitt, la maison de Hanovre trouva de braves et vigoureux défenseurs dans le pays même qui pendant la précédente guerre, avait fait en faveur de l’ennemi une si puissante diversion.

Une activité inaccoutumée avait succédé à la mollesse et aux hésitations de l’administration précédente. Une armée s’organisait dans le Hanovre. Déjà des escadres étaient parties pour les Indes orientales et pour les mers d’Amérique. Une expédition dirigée contre les possessions françaises sur la côte occidentale de l’Afrique s’était emparée de l’île de Gorée, et ce faible succès, venant après tant de revers, avait fait éclater en Angleterre un véritable enthousiasme. Aucune opposition ne se manifestait dans les chambres ; mais en dehors du parlement, une attaque vigoureuse se préparait contre le nouveau cabinet, et Pitt, avant de pouvoir donner suite à ses grands desseins, avait encore à traverser une pénible épreuve. Une redoutable coalition s’était formée entre tous les personnages importans qu’il avait si impérieusement exclus du pouvoir. Cette coalition profita habilement, pour le renverser, de l’aversion qu’il inspirait au duc de Cumberland, dont il n’embrassait pas avec assez de chaleur la politique hanovrienne, et de quelques motifs de mécontentement que le premier lord de l’amirauté, lord Temple, avait donnés au roi. Ce dernier fut congédié. Presque aussitôt après, le duc de Cumberland, qui allait partir pour prendre le commandement de l’année du Hanovre, ayant déclaré qu’il lui était impossible d’accepter une telle responsabilité tant que le pouvoir resterait entre les mains d’hommes dont il ne pouvait pas espérer la coopération franche et dévouée, Pitt lui-même fut destitué aussi bien que le chancelier de l’échiquier Legge (avril 1757).

La nouvelle de cette espèce de coup d’état excita dans toute l’Angleterre la plus vive indignation. La popularité, déjà si grande, des hommes qu’il frappait fut portée au comble, parce qu’on voulut voir en eux les défenseurs de la cause de la patrie sacrifiés à une méprisable intrigue de cour. De toutes parts, on vota à Pitt et à Legge des adresses de remerciemens et de regrets ; on y vantait leur loyauté et leur désintéressement ; on les louait d’avoir travaillé à établir un système d’économie, à restreindre l’influence ministérielle, à arrêter le torrent de la corruption par la réduction du nombre des sinécures, à